• Le Cami de Sant Bernabeu depuis Valcebollère


    Ce diaporama est agrémenté de 4 musiques jouées par Itzhak Perlman & John Williams et le Pittsburg Symphony Orchestra. Elles sont extraites de l'album "Cinema Serenade" et ont pour titre : "Yentl: Papa, Can You Hear Me ?", "Theme from Schindler's List", "Out of Africa: Main Title-I Had a Farm In Africa" et " Love Theme from Cinema Paradiso'


    Valcebollère est un tout petit village de Cerdagne situé à 1.500 mètres d’altitude et ici, il va servir de ligne de départ à une balade intitulée le Cami de Sant Bernabeu ou Chemin de Saint Barnabé (*). L’origine du nom Valcebollère viendrait de « Val » signifiant « vallée » et de « cebollère » signifiant « oignon » (cebollar). Valcebollère étant sans doute la vallée où l’on cultivait des oignons au temps jadis. Je vous rassure tout de suite, je n’ai pas vu de culture d’oignons et c’est donc inutile d’apporter un stock de mouchoirs car vous n’en aurez pas à en éplucher. De toute manière, tout ça c’était il y a très longtemps. Ce Cami de Sant Bernabeu, vous le trouverez parfois dans certains topo-guides sous le titre de « Sentier des Ardoisières ».  Il s’agit exactement de la même petite boucle pédestre qui est agrémentée de 9 panneaux thématiques d’interprétation. Pourquoi cette double dénomination ? Il faut savoir que Valcebollère était un hameau agropastoral. Depuis toujours, la terre a fait vivre ses habitants qui étaient encore au nombre de 400 au 19eme siècle. Mais l’exode rural est passé par là, et après avoir diminué leur nombre de moitié au 20eme siècle, ils ne sont plus qu’une cinquante de résidants de nos jours. Ici, depuis des siècles, on vivait en quasi autarcie car la route telle qu’on la connaît aujourd’hui n’existait pas et tous les déplacements et transports s’effectuaient par des sentiers muletiers quand ce n’était pas à dos d’hommes que l’on véhiculait les portages. Alors bien évidemment les habitants devaient se débrouiller et par la force des choses, ils étaient pour la plupart des paysans dont les récoltes étaient vitales. La moindre tracasserie climatique ou autre dans une récolte et c‘était une saison de perdue et la famine presque assurée. Alors, bien sûr, il fallait être prévoyant mais pour que ces récoltes se passent au mieux, on priait aussi Barnabé, saint patron que l’on évoquait pour se protéger de la grêle et des autres aléas météorologiques ou naturels. La légende, que vous trouverez écrite sur un panneau au départ de la balade, prétend que lors d’une invasion de sauterelles, les habitants ayant prié Saint Barnabé, ce dernier, touchait par la foi, aurait protégé les récoltes en chassant les sauterelles permettant ainsi de sauver les blés, essentiels à la survie du village. Pour le remercier, les habitants érigèrent une petite chapelle que l’on découvre en point d’orgue (1.776 m d’altitude) sur le parcours. Elle lui est dédiée. Si Saint Barnabé était charitable et les terres autour de Valcebollère parfois généreuses, les flancs de la montagne recelaient une autre richesse : l’ardoise que l’on a extrait des carrières de schistes depuis le Moyen Âge. Ces carrières sont encore visibles et principalement sur le flanc nord de la montagne juste au dessus des ruines de l’ancien hameau. L’Histoire nous apprend que les carrières de schistes de Valcebollère qu’on appelait « ardoisières » fournissaient des lauses (lauzes, lloses ou llauses) d’excellente qualité pour la couverture des toitures des maisons, des cabanes mais également de nombreux bâtiments et édifices civils ou religieux de toute la région de Cerdagne et parfois encore plus loin. Le métier était très pénible car pour l’extraction, il fallait attendre l’hiver, quand les blocs de schistes gorgés d’eau glacée se détachaient plus facilement de la montagne. Pour obtenir un mètre carré d’ardoises utile à une toiture, quatre mètres carré devaient être exploités. La pénibilité et la faible rentabilité de cette activité eurent raison de l’exploitation des ardoisières de Valcebollère qui s’arrêterent au milieu du 20eme siècle. L’exode rural s’amplifia. J’ai lu très récemment qu’il ne restait que trois ardoisières en exploitation sur toute la chaîne pyrénéenne. Voilà les explications quand aux deux intitulés de cette balade pédestre. Moi, je préfère l’appeler le Cami de Sant Bernabeu d’abord parce que c’est l’appellation la plus usitée sur le parcours et ensuite parce que les « ardoisières » ne sont pas vraiment sur l’itinéraire et ne sont donc visibles que de loin. Après l’entrée du village, on poursuit la rue principale jusqu’au vaste parking où l’on laisse sa voiture. Plusieurs panneaux vantent les randonnées de Valcebollère et plus globalement celles de la Cerdagne et leurs beautés. Un autre panneau évoque les tristes souvenirs des Chemins de la Retirada aujourd’hui transformés en un itinéraire pédestre d’une quinzaine de kilomètres aller retour. Au départ du parking, le Cami de Sant Bernabeu est balisé en jaune et après avoir franchi le torrent La Vanera, il monte en direction de l’église du village. Là, très clairement un panonceau vert « la Chapelle » et un peu plus haut, une pancarte « Chemin de la Saint Barnabé » confirment l’itinéraire. La route bitumée zigzague en s’élevant au dessus des dernières maisons et de la jolie chapelle. L’asphalte laisse la place à une piste terreuse que l’on quittera dès le virage suivant au profit d’un large chemin plus herbeux qui s’élève agréablement en balcon au dessus du Torrent de la Tossa. Au passage, on aura pris soin de lire une première et ludique pancarte expliquant ce qu’était les « ardoisières » que l’on aperçoit de l’autre côté du torrent et sur les flancs rocailleux des Roques de Bamoure. Mais ici, du schiste il y en a un peu partout et notamment sous la forme de falaises plus abruptes que l’on peut voir tout en bas de la haute « Serra de l’Artigue ». Au sommet de ce mamelon dénudé, quelques vautours fauves planent nonchalamment. Un peu plus bas, au dessus des ruines de l’ancien hameau, un couple de faucons crécerelle joue aux voltigeurs. Une deuxième pancarte thématique évoque les prés de fauche que l’on prenait soin d’exploiter dans les lieux le plus humides c'est-à-dire au bord des ruisseaux. Le balisage est présent et la balade sans difficulté, la déclivité étant très modeste. Le chemin s’éloigne du ravin où coule le Torrent de la Tossa mais il continue à zigzaguer. Il passe devant le Corral des Arces où trois chevaux se régalent d’un gazon verdoyant à l’ombre des arbres. Un peu plus haut, le large chemin continue devant un réservoir et un pylône. Là, le chemin herbeux retrouve la piste terreuse mais pour peu de temps car rapidement le balisage indique de prendre un petit sentier qui s’élève à gauche en longeant un clôture. Finalement ce sentier aboutit au milieu d’une prairie où de nombreux bovins ruminent l’herbe verdoyante et tendre qu’ils viennent d’ingurgiter. Pour la plupart d’entre eux, c’est déjà l’heure de la sieste mais pour nous c’est tout juste celle du pique-nique avec des vues admirables sur le village, la vallée de La Vanera et au loin sur une longue chaîne de sommets pyrénéens encore bien enneigés. La pelouse de ce pacage étant douillette à souhait, elle est incitative à une longue pause pas vraiment nécessaire après cette jolie mais facile ascension. On se remet en route toujours sur ce vert pâturage mais très rapidement on retrouve de nouveau la piste terreuse et quelques autres bovins qui vautraient au milieu d’elle paraissent en garder le passage. On les contourne car l’itinéraire continue de l’autre côté et au bout de quelques mètres, la minuscule chapelle dédiée à Sant Bernabeu est là, blottie au beau milieu de quelques pins à crochets. Elle est si petite qu’on dirait qu’elle a été construite par des schtroumpfs pour des schtroumpfs. Le cadre et les décors sont si charmants qu’on regrette presque de s’être arrêtés un peu plus bas pour le pique-nique. On le regrette d’autant plus que les panoramas sont tout aussi merveilleux, si non plus, et que de jolies tables et gradins en pierre ont été aménagés pour accueillir les visiteurs. Comme on peut le lire sur une pancarte, chaque 11 juin, fête de la Saint Barnabé, de nombreux fidèles montent ici en procession pour rendre hommage et louer les bienfaits de ce martyr. Cette journée est l’occasion d’une messe et d’un banquet où chacun porte son repas et des offrandes qu’il devra partager. Dany et moi, ce que l’on apprécie le plus de cette chapelle, c’est d’abord qu’elle soit ouverte. Au cours de nos balades pédestres, nous avons tant l’habitude d’en rencontrer des fermées qu’aujourd’hui nous en sommes presque surpris. Si nous devions dresser la liste des chapelles dont nous n’avons pu voir que l’architecture extérieure, les doigts de nos deux mains respectives n’y suffiraient sans doute pas. Là, elle est ouverte à tous et à toutes comme en témoignent les nombreux messages laissés à l’attention du Saint : Lettres, cartes postales, cartes de visites, photos, cartes pieuses, oraisons, post-it et simples bouts de papier, tout est bon pour passer un message, laisser une prière ou un simple vœu à Saint Barnabé. Un visiteur a trouvé judicieux de décorer l’intérieur et a laissé quelques ardoises peintes. Un autre a jugé utile d’accrocher la photo du pape.  Je ne suis pas croyant et pourtant je trouve qu’il y a quelque chose de touchant dans toutes ces marques de tendresse, de confiance et de vénération à l’encontre du saint apôtre. Certains croyants le supplient de son aide pour recouvrer la santé ou celle d’un proche, d’autres l’adjurent de trouver une solution dans un conflit familial, d’autres lui laissent un simple message de louange ou de bonheur à se retrouver là. C’est notre cas. Tout ça est d’autant plus émouvant que bons nombres de ces vœux sont anciens, effacés par l’humidité des lieux et pour la plupart amplement grignotés par de nombreux petits rongeurs qui transforment tous ces papiers en de petits confettis, confettis servant à constituer leurs nids douillets. Eh oui que voulez-vous, la minuscule chapelle est même ouverte à nos amis les bêtes, locataires les plus proches qui, en hiver, y trouvent sans doute refuge, chaleur et réconfort et je trouve que c’est très bien ainsi. Un dernier rafraîchissement à l’eau claire de la fontaine et il est temps de quitter la minuscule chapelle, son petit autel, ses messages divins, ses rongeurs qui se cachent aujourd’hui, ses lézards qui ne se cachent pas et aiment se prélasser sur son épaisse et chaude toiture d’ardoises. Ici, on reprend la direction de la piste qu’occupent les bovins. Quelques très jeunes veaux sont là, tout près de leurs mères, alors on s’écarte de nouveau, pour ne pas avoir à jouer les toreros et pour ne pas les déranger dans leurs ruminantes mastications. De toute manière, leurs longues et impressionnantes cornes sont leur meilleure arme de dissuasion. La piste descend en direction de la forêt et les paysages sur la vallée s’entrouvrent pleinement. Splendide ! Très clairement, on quitte le côté ensoleillé du vallon c'est-à-dire la soulane pour le versant plus ombragé où coulent là aussi une multitude de ruisseaux plus ou moins « torrentiels ». D’autres panneaux d’interprétation se présentent : « Valcebollère, terre de passage » et « utilisation du bois de la forêt ». De nombreux oiseaux s’envolent, saisissent un insecte en plein vol puis replongent dans les prés disparaissant dans l’ombrage des hautes herbes. Ces hautes herbes servaient de chaume pour les toitures des granges dont un exemplaire surplombe encore somptueusement la vallée. Les bords du chemin et les fossés s’emplissent de fleurs. Les papillons y butinent et dès que l’on s’approche, de nombreux insectes en bondissent tels de petits diables intrépides sortant de leurs boites. Une fois encore, on délaisse la piste terreuse au profit d’un large chemin herbeux. Un panneau indique Valcebollère à 40 minutes. Le chemin coupe un premier torrent, plutôt étroit puis un deuxième bien plus large mais facile à enjamber sans se mouiller les pieds, à condition de jouer les équilibristes sur les pierres qui en remplissent son lit. Ici, de l’eau, il en coule à foison mais tous ces petits torrents se rejoignent formant la rivière La Vanera, dont le parcours se poursuit vers Osséja puis rejoint la Sègre. On longe le torrent sur un chemin frais et agréable car essentiellement en sous-bois. Un magnifique geai joue avec mes nerfs et avec mon appareil photo que son objectif n’arrive pas à capter correctement tant l’oiseau à la bougeotte. Enfin, le voilà enregistré ! Mon appareil photo est une cage sans barreau et c’est très bien ainsi car ensuite, je peux regarder les oiseaux à ma guise. Valcebollère apparaît sur la droite et en contrebas du chemin. Un dernier panonceau en explique brièvement l’exode rural. La balade se termine au milieu des prairies verdoyantes mais tachetées de jaunes à cause des innombrables fleurs de pissenlits qui les colorent. Quelques chevaux s’y ébattent et depuis longtemps, ils ont compris que les feuilles de pissenlits ne se mangeaient pas qu’en salade ou en gratin. Eux, sans vergogne,  les croquent à pleines dents. Le village est là. Je pars le visiter ainsi que ses ruines qui le dominent admirablement. Pour Dany, la balade est déjà finie car elle a décidé de m’attendre à la terrasse de l’Auberge des Ecureuils sirotant un café et en mangeant une glace. Les ruines les plus hautes sont difficilement abordables et de toute manière, elles sont pleines de risques de voir les pierres encore s’ébouler, alors après une brève grimpette et quelques photos, l’heure de redescendre a déjà sonné. Un faucon crécerelle joue à cache-cache et avec le capteur de mon numérique. Sans doute un copain du geai ! Un gentil chat noir vient sans crainte se frotter contre mes jambes et réclamer quelques câlins. Comment les lui refuser alors qu’il ressemble à s’y méprendre à notre petite Milie que l’on a perdue voilà 5 ans déjà ? Cette balade se termine devant un café liégeois. Elle a été longue de 6 km environ pour un modeste dénivelé de 265 mètres. Cette distance n’inclut pas la visite du village et la montée vers les ruines de l’ancien hameau. Carte IGN 2250 ET Bourg-Madame – Mont-Louis – Col de la Perche Top 25.

    (*)  Barnabé ou Barnabas signifiant en hébreu « fils de consolation ou d’encouragement » est le surnom donné par les apôtres à Joseph, juif lévite né vers 3 av. J.-C. à Salamine en Chypre et mort vers 61 toujours à Salamine (désormais Famagouste). A cause de l’aide qu’il a apporté à Paul de Tarse et à ses nombreuses missions de piété et d’évangélisation à Jérusalem, Chypre, Rome et Antioche, il tient une place importante dans les principales religions occidentales. Bien que ne faisant pas partie des douze principaux apôtres, il est reconnu en tant que tel par toutes les églises qu’elles soient catholique, anglicane, orthodoxe ou luthérienne. Il serait mort martyrisé à Chypre où sa tombe a été découverte au 5eme siècle. Les raisons du martyre restent floues : pendaison, lapidation ou crémation ? Le mystère demeure. Il est présent dans la liste des saints et à ce titre, il est le Saint patron de Chypre, d’Antioche et on l’invoque principalement contre la grêle. A ce dernier sujet, il est cité dans de nombreux dictons relatifs aux aléas météorologiques. En voici un parmi les plus connus et des dizaines presque tous liés à la météo et aux récoltes : « S’il pleut à la Saint Médard (8 juin), il pleut quarante jours plus tard, à moins que Saint Barnabé ne lui coupe l’herbe sous le pied ». 

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