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Le Circuit de Força Réal (507 m) depuis Montner (125 m)

Publié le par gibirando

 
Ce diaporama est agrémenté de la musique "Romance pour violon No.2 In F Major Op.50" composée par Ludwig Van Beethoven interprétée par la violoniste japonaise Takako Nishizaki
 
L'ERMITAGE-DE-FORCA-REAL
FORCAREALIGN
 

En Roussillon, tout le monde connaît Força Réal, ce piton rocheux à 507 mètres d’altitude, isolé   et planté-là au beau milieu de la plaine, par on ne sait quel mystère géologique. Tout le monde sait reconnaître le lieu, souvent visible et facilement identifiable de très loin, constituant d’ailleurs pendant très longtemps un amer pour les navires croisant près de nos côtes méditerranéennes,  à peu près tout le monde connaît le nom et sait le traduire en « Force Royale », moins nombreuses sont les personnes qui en connaissent l’origine et son Histoire et peut-être plus rares encore sont celles qui s’y sont rendues, même en voiture. Quand aux gens qui l’ont gravi à pied, elles ne doivent pas être légion. Pourtant cette balade est loin d’être inintéressante. Elle est de surcroît plutôt facile car très bien balisée à partir de Montner.  Bien sûr, à moins de connaître l’identité du détenteur de la clé de l’ermitage, on y monte essentiellement pour les panoramas à 360 degrés. C’est déjà très bien tant les vues de toutes parts sont extraordinaires. Pourtant, en se donnant un peu de peine et en cherchant tout autour, d’autres découvertes sont possibles et je ne parle pas seulement du ludique sentier botanique de  Força Réal qui vient enjoliver ce circuit. Non, il y a d’autres trouvailles, et ces trouvailles, je les ai découvertes en poussant jusqu’au col de la Bataille et même un peu plus loin en direction de Caladroy. Voilà ce qu’écrivait Victor Aragon en 1859 en préambule à sa « Notice historique, religieuse et topographique sur Força Réal » : « La montagne qui emprunte son nom à l’ancienne forteresse dont les débris font deviner l’enceinte sur son plus haut mamelon, domine la plaine féconde du Ribéral que le touriste, parvenu au sommet rocheux de Força Réal, peut admirer dans sa vaste étendue. De ce point culminant le Roussillon se montre à lui presque tout entier ; le regard l’embrasse dans le double horizon de la mer et des Pyrénées, cadre immense, rempli par les tableaux variés des vallées de l’Agly, de la Têt et du Tech, qui se déroulent parallèlement des montagnes vers la Salanca. Les détails infinis de ce riche paysage ne peuvent échapper à l’observateur curieux, et l’on comprend que les divers dénominateurs de la contrée aient établi sur la cîme de la montagne un poste d’observation, dont la consigne devait être de prémunir les habitants de la plaine contre les dangers d’une invasion subite. Força Réal était, sans doute alors, comme il est aujourd’hui, le point de mire des Roussillonnais du Ribéral ; mais de nos jours ce n’est plus vers la forteresse que les regards se tournent ; c’est vers la Chapelle protectrice, sortie, tout porte à le croire, des ruines du Castell depuis longtemps disparu ». Ici, en quelques lignes, c’est quasiment Força Réal qui est résumé. Le fondement même de son nom « forçia » provenant du latin « fortia » signifiant « fort » ou « forteresse » qui, bien sûr, accolé au mot « réal » laisse imaginer l’origine royale du château fort en question. La beauté et l’amplitude des panoramas et sa géographie que l’on découvre depuis son pinacle. Les raisons de l’édification d’un château fort sur ce sommet. L’évolution au fil du temps de ce lieu emblématique du Roussillon où une chapelle est venue remplacer les vestiges du château et d’une tour à signaux qui avait également été érigée au XIIe siècle semble-t-il. Enfin, vous noterez que dans ce préambule, rien n’est dit qu’en à la date la plus lointaine de l’édification de ce Castell. Je vous laisserais le soin de lire intégralement l’ouvrage de Victor Aragon accessible sur Google mais si certains historiens ont pu y voir l’œuvre des Romains, lui penche plutôt pour une origine aragonaise et voilà ce qu’il écrit avec sagesse et circonspection : « Tenons donc pour certain, autant qu’il peut y avoir de certitude en cette matière, que Força Réal est d’origine Aragonaise et remonte à la fin du XIIe ou au commencement du XIIIe siècle ». Il explique avec force détails, les raisons de l’attribution de ces constructions aux Rois d’Aragon de la Maison de Barcelone.  La suite du récit retrace l’histoire de Força Réal au fil des siècles, une histoire, il faut bien le dire, essentiellement militaire, où la montagne eut à subir sans cesse les assauts répétés des différents conquérants et envahisseurs du Roussillon. Même si du château fort et de la tour à signaux ne subsistaient que quelques ruines depuis déjà presque un siècle, il semble que les derniers assaillants de Força Réal furent les troupes du Général espagnol Ricardos qui, en 1793, fortes de 25.000 hommes furent tenu en échec pendant deux mois par une armée française pourtant très réduite de 4.000 hommes seulement. Sans doute, ces soldats avaient-ils puisé leur foi, leur vaillance et leur force sur ce sommet où avait été érigée une chapelle construite sur l’emplacement de la tour à signaux quelques années auparavant (1693/1708). Malheureusement, la chapelle souffrit de ces guerres successives et elle fut elle aussi en partie ruinée par les militaires.  Un peu plus tard, la chapelle devint un ermitage dédié à la Vierge, puis un lieu de pèlerinages et de cérémonies qu’elle est encore de nos jours.  

A Montner, j’ai laissé ma voiture devant la coopérative vinicole puis me dirigeant vers le centre du village, j’ai emprunté la bien nommée rue de Força Réal. J’y ai remarqué un autre panneau indiquant la piste DFCI N° F140. De l’autre côté de la rue, un petit panonceau jaune au dessus d’une fontaine indiquait la direction à suivre «  Circuit Montner – Força Réal ». Une autre balade intitulée le « Chemin de Véronique », déjà expliquée dans ce blog, était également mentionnée. Un peu plus haut, je me suis engagé dans la rue de la Marinade sous l’œil incrédule de deux jolis matous puis j’ai poursuivi la piste DFCI F140 où d’ailleurs un balisage jaune était déjà bien présent. J’ai suivi ce balisage sans difficulté d’abord au milieu de quelques belles villas puis très rapidement sur un itinéraire traversant des vignobles. Plus j’ai avancé et plus le chemin devenait campagnard car verdoyant et bordé d’une magnifique flore en cette belle journée de printemps. La végétation explosait. Après les derniers jours gris et pluvieux, les oiseaux avaient retrouvé le goût de chanter.  Habituellement, si difficiles à photographier, aujourd’hui, ils avaient décidé d’être sympas avec moi et de « prendre la pose » sur les nombreux piquets soutenant les vignes. J’ai même vu deux perdrix rouges courir au milieu des ceps de vignes. Une bifurcation s’est présentée : «Circuit Montner – Força Réal – 3 h ». Flânerie et errements obliges, j’ai mis plus du double mais peu importe, j’adore ça surtout quand je marche seul car j’estime que cette solitude recherchée et non endurée est un privilège. A plusieurs, j’agace tout le monde avec mes arrêts et mes photos à répétition, ce que je peux comprendre.   Droit devant, une colline aux douces formes arrondies et très boisée se détachait dans le ciel bleu. Le randonneur novice aurait pu penser qu’il s’agissait de Força Réal mais au regard de la carte IGN, il n’en était rien et c’était simplement un petit « serrat » du nom de Bach de la Beille. Après, quelques zigzags au milieu des vignes et quelques rampes à la « bonne » déclivité, alternant terre mais également bitume, l’itinéraire est passé à droite de cette colline. Ici, dans la montée, la végétation verdoyante a été peu à peu remplacée par un maquis plus méditerranéen. Sur la droite, le Massif du Canigou et plus loin, la chaîne pyrénéenne ont pointé leurs superbes cimes enneigées. Derrière, l’horizon était barré d’une longue chaîne calcaire qui s’étirait à l’infini : les Corbières. A mes pieds, un patchwork de parcelles agricoles aux formes géométriques disparates partageait l’espace avec quelques bosquets verdâtres. Le tout était ponctué de petits villages blancs aux toitures rouges : Montner bien sûr, mais aussi Latour-de-France et Estagel. A la côte 398, j’ai enfin atteint un premier collet. En réalité, il s’agissait d’une simple plateforme dominant le vallon de la Jasse del Roc servant de marchepied avant la dernière montée vers Força Réal dont j’apercevais déjà l’extrémité du haut pylône de l’antenne TV.  Tout en montant, des panoramas sur une succession des collines bleuâtres se sont entrouverts vers l’est. Finalement, j’ai croisé une première pancarte explicative « Séneçon de Harvey » et quelques secondes plus tard, j’ai coupé la route D.38 montant à Força Réal.  Je venais de découvrir par hasard ce « Sentier botanique et de découverte de Força Réal ». Ici, pour mon plus grand plaisir, l’itinéraire s’est poursuivi tout naturellement sur ce sentier. C’était d’autant plus agréable, que ce sentier était commun avec ma balade et celui montant vers la chapelle que j’ai finalement atteint quelques minutes plus tard. Tout ce que j’avais lu de la magnificence des panoramas était vrai. Seuls, quelques gros nuages venant de la mer empêchaient une vision plus lointaine vers la Méditerranée et les Albères. Vers tous les autres points cardinaux, un grand ciel clair, pur et bleu permettait d’extraordinaires regards de tous côtés. Après avoir fait le tour du superbe ermitage, je suis parti vers le pylône TV, histoire de ne rien manquer de Força Réal. Un Canadair passa à la hauteur du pylône puis disparut, sans doute en provenance de la haute montagne car je n’apercevais aucun feu aux proches alentours. Mon appareil numérique bien rempli de nombreux clichés, je me suis remis en route en direction d’abord du Col del Bou (322 m) puis de celui de la Bataille (265 m). Là, dans la descente, la promenade était presque obligatoire car j’étais toujours sur le Sentier Botanique et tous les  dix mètres, il y avait une pancarte décrivant une nouvelle plante locale. Finalement, il me fallut une heure et quart pour parcourir les 4 kilomètres séparant le sommet de Força Réal du col de la Bataille, c’est dire si je m’étais arrêté plus que de raison. Là, une jolie esplanade avait été aménagée pour arrêter les touristes. Un grand panneau vantait les mérites du Haut-Roussillon, un autre expliquait très brièvement la toponymie de Força Réal puis un autre encore, celui de ce col où l’on pouvait lire « le nom de ce col apparaît dans les archives dès 1293. Il fait référence aux duels judiciaires des temps féodaux ».  Malgré l’intérêt que je portais à ce lieu, je n’étais pas venu jusqu’ici pour cela mais pour deux petites tombes qui se trouvaient quelques mètres plus loin en bordure de la D.38. La vision de ces deux pierres tombales crayeuses et identiques plantées-là, à quelques mètres d’une vigne aurait eu quelque chose d’insolite pour ne pas dire d’irrationnel si je n’avais pas connu la sordide histoire de ce père et de sa fille horriblement assassinés ici même le 10 juillet 1893. Un fait divers qui avait défrayé la chronique dans l’Indépendant de l’époque. Je pouvais lire sur les deux tombes « Ci-gît Trousseu Jacques DCD le 10 juillet 1893 âgé de 66 ans » puis sur l’autre « Ci-gît Trousseu Hortance DCD le 10 juillet 1893 âgée de 23 ans ». Bien sûr, ma curiosité aurait pu sembler macabre mais j’avoue que je n’avais pas cette vision des choses car connaissant un peu l’histoire je vivais plutôt cet instant comme un recueillement. D’ailleurs les mentions sur les tombes ne se terminaient-elles pas par « P.P.L » ou « P.P.E » signifiant « Priez pour lui » ou « Priez pour elle » ? C’était d’autant moins funèbre que ma balade ne s’arrêtait pas là mais continuait en direction de Caladroy où j’étais bien décidé à aller découvrir la « Peyre Drète » et les ruines de son imposante bergerie.  Je poursuivis donc la D.38 jusqu’à un faux menhir entouré d’un « faux » tumulus et là, je pris la piste de droite qui, au travers des vignes, m’entraîna vers ces vestiges. Toujours dans le livre de Victor Aragon, j’avais lu d’étranges choses sur cette « Peyre Drète » désormais brisée et couchée sur le sol : « On le voit, ce n’est pas sans raison que ces hauteurs où se sont livrés tant de combats, gardent, comme témoin mémorable de ces luttes, maintenant oubliées, la pierre druidique, symbole de victoire, élevé depuis des siècles non loin du Coll de la Batalla. » puis il rajoute en annotation :«les hommes de guerre qui, depuis les temps les plus reculés, ont sillonné ce pays et bivouaqué  peut-être autour du men-hir de Caladroer, respectèrent tous ce monument celtique, idôle des Druides et Trophée de Victoire, qui jaillissait du sol à une hauteur de seize pieds et s’y enfonce à une profondeur présumée égale. Pourquoi faut-il que ce curieux monolythe ait été cassé en deux par le fait d’un moderne vandale ou d’une déplorable incurie ? J’ai eu le chagrin de le voir gisant à terre et insoucieusement abandonné. Il serait digne du nouveau propriétaire de Caladroër de faire restaurer la pierre druidique la plus remarquable, à coup sûr, qui existe dans nos contrées ». Bien sûr, Victor Aragon fait allusion à cette « pierre droite » dont certains historiens prétendent qu’elle a longtemps servi de borne ou de limite entre certains territoires comme les diocèses d’Alet et d’Elne et ce, depuis le XIIe siècle. C’était au temps des premiers Rois d’Aragon puis un peu plus tard ceux de Majorque régnant sur le Roussillon. Ce menhir, désormais couché et brisé, est situé en bordure des vignes, sur un petit promontoire, juste après la bergerie qu’on laisse sur la droite. Après la découverte de cette grande pierre pleine d’histoires dont de nombreuses avec un grand « H », il ne me restait plus qu’à partir visiter l’ancienne bergerie mais un vigneron que je venais de croiser m’en dissuadât affirmant que déambuler dans ces ruines était bien trop risqué. Un panonceau « Danger - Défense d’entrer » me convainc définitivement d’y renoncer. Je me suis donc contenté de la regarder et de la photographier de loin. Il ne me restait plus qu’à retourner au col de la Bataille où après avoir emprunté une petite route vicinale asphaltée, j’ai retrouvé le « Circuit Montner - Força Réal ». Là, dans un champ, je pris le temps de m’arrêter sous des amandiers pour déjeuner. Quand je suis reparti, mon sac à dos s’était allégé de mon casse-croûte mais en contrepartie, il s’était bien plus alourdi de quelques kilos d’excellentes amandes séchées à point. Malgré l’asphalte, l’itinéraire du retour vers Montner fut très agréable. Le vignoble et les terres labourées permettaient de jolies visions lointaines de tous côtés et notamment vers Força Réal où la quasi totalité des nuages avait disparu. A l’approche du village, l’asphalte laissa la place à un chemin creux,  herbeux rafraîchissant et souple à souhaits et encore plus plaisant à cheminer. A l’entrée de Montner, de vieux puits, un coup à gauche et un coup à droite du Ruisseau de la Foun aiguisèrent une dernière fois ma curiosité. Mais il était temps d’en finir car avec mon sac à dos chargé d’amandes et sous un chaud soleil d’avril, la dernière montée vers le haut du village fut plutôt laborieuse. J’avais erré et flâné un peu plus de 6 heures pour parcourir 18 kilomètres sur un dénivelé plutôt modeste de 390 mètres environ mais des montées cumulées de 815 mètres. Bien sûr, rien ne vous obligera à parcourir le même circuit que le mien et en vous en tenant à celui intitulé « Circuit de Montner – Força Réal » vous pourrez raccourcir la distance d’un peu plus de 4 kilomètres. Carte IGN 2448 OT Thuir – Ille-sur-Têt Top 25.

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Le Chemin de Véronique et la Roque d'En Talou depuis Montner

Publié le par gibirando


Ce diaporama est agrémenté de 3 chansons en hommage aux Véronique : "Chère Véronique" chantée par Michel Polnareff"Love Me Encore (Love Me Forever)" chantée Véronique Jannot et "Rien Que De L'Eau" chantée par Véronique Sanson.

Le Chemin de Véronique et la Roque d'En Talou depuis Montner

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Dimanche, il est 10h30 et je décide enfin de m’extraire de ma couette et d’ouvrir les volets. Je ferme brusquement les yeux car les rayons du soleil m’aveuglent. Mais comme la lointaine pyramide blanche du Canigou se détache dans un ciel bleu d’une admirable pureté, malgré cette cécité forcée, je m’empresse de les rouvrir  pour ne rien manquer de ce spectacle dont je ne me lasse jamais. Soudain, une idée me traverse l’esprit : « si je partais randonner ! » et dans le même temps, raquettes et godillots aux pieds, je me vois déjà entrain de glisser dans la poudreuse au milieu d’un belle forêt de sapins de Cerdagne ou au bord d’un joli lac glacé du Capcir ou bien encore, je m’imagine entrain de crapahuter sur la crête dépouillée d’une haute montagne du Conflent, avec devant moi des panoramas époustouflants à perte de vue. Je ne suis plus au fond de mon lit mais je rêve encore et un simple coup d’œil au réveil, m’extirpe définitivement de ce délicieux songe où j’étais déjà retombé : il est 10h35. Il est vraiment très tard ! Que faire ?  Cerdagne ? Capcir ? Conflent ? Trop loin ! Rien préparé ! Trop tard ! Je suis désappointé. En général, quand ce genre de mésaventure m’arrive comme cela vient de se produire en ce début de printemps, je me précipite dans ma bibliothèque et je cherche mon bonheur dans un petit guide de randonnées et il est bien rare que je n’y trouve pas une agréable balade, pas trop loin de chez moi et surtout appropriée à cette circonstance tardive que la « grasse matinée » a engendrée. Un petit guide Rando comme cet agréable «  34 randonnées en Agly-Verdouble » qu’un groupe d’amis randonneurs m’a très gentiment offert et dans lequel j’ai trouvé dernièrement ce « singulier » Chemin de Véronique qui démarre du beau village viticole de Montner. Le guide raconte que cette balade emprunte, selon, la légende, le sentier qu’un jeune prétendant amoureux parcourait pour rejoindre sa belle Véronique, à l’abri des regards indiscrets….Bon, autant le dire de suite,  la belle Véronique devait le faire « courir » son amoureux et les gens qui jetaient des regards indiscrets….ou même discrets ne devaient pas être légions à vouloir ou à pouvoir suivre tous ces détours que ce chemin emprunte. Comme beaucoup de femmes, la belle Véronique avait envie de se faire désirer ou alors elle était aussi tourmentée que ce sentier qui part dans une direction, reviens sur ces pas, visite le charmant village de Montner, part au milieu du joli vignoble et des vieux casots, grimpe vers Força Réal comme si on allait rejoindre l’ermitage, bifurque au pied de la colline, redescend dans la chênaie, slalome dans les vignes, les champs en friches, les mas ruinés et les ravines pour revenir enfin à Montner après quelques sinuosités dont on se demande sur la fin, qu’elles étaient les réelles motivations de la jolie Véronique à vouloir zigzaguer de la sorte à quelques encablures du village. Bon, il faut reconnaître que les légendes sont souvent tortueuses et en l’occurrence, ce chemin légendaire l’est tout autant. A l’époque, Véronique a du lui poser pas mal de « lapins » à son amoureux et sans balisage et sans GPS, l'entiché a sans doute du s’égarer plus d’une fois pour retrouver sa belle. Moi, comme à mon habitude,  j’ai essentiellement flâné et pour couronner le tout, après avoir analysé la carte IGN, j’avais décidé d’adjoindre à cette randonnée, un détour supplémentaire en partant visiter la « fameuse » Roque d’En Talou toute proche. J’ai donc démarrer du caveau de dégustation où se trouve le départ, j’ai longé la ruelle qui passe derrière les bâtiments de la coopérative vinicole et là, j’ai suivi le recommandation d’un petit panonceau jaune qui me conseillait d’aller voir un olivier remarquable qui se trouve à 10 minutes dans la rue des Oliviers. Cet olivier, outre son âge pluriséculaire et sa circonférence de 5,50 mètres, est remarquable à un autre titre, puisqu’il s’agit de l’unique rescapé de l’immense oliveraie que possédait le village au siècle précédent au lieu-dit « Las Oulibèdes Grandes ». En effet, il est le seul arbre à avoir survécu à l’horrible et glacial hiver de 1956 et pour les gens qui ont connu cet hiver-là, cette hécatombe d’oliviers n’a rien de surprenant tant le froid avait été excessivement rigoureux. Moi, j’avoue que partir voir cet olivier m’arrangeait bien puisqu’en poursuivant la rue des Oliviers jusqu’à la D.612, puis en coupant celle-ci puis en traversant encore quelques vignes, j’arrivais direct à la Roque d’En Talou. Pour ceux qui ne la connaissent pas, la Roque d’En Talou est une borne sans doute unique en son genre qui matérialise à cet endroit précis la frontière qui avait été définie entre les royaumes de France et d’Aragon par le Traité de Corbeil de 1258 signé entre Saint-Louis, roi de France et Jaume 1er, roi d’Aragon. A cheval sur cette ancestrale ligne frontière, il s’agit d’un simple rocher sur lequel a été gravé, côté français, les armoiries des Montesquieu, seigneurs de Latour-de-France, et côté Montner et aragonais, la fameuse croix pattée des rois d’Aragon. Ces gravures rendent cette roche, sans doute burinée en 1617, date gravée au dessus du blason des Montesquieu, absolument remarquable. Cette borne confirme, avec d’autres bornes plus classiques dans ce secteur du Fenouillèdes, la délimitation de 1258 juste avant le Traité des Pyrénées de 1659 qui vit la frontière se modifiait de nouveau avec entre autres la restitution par l’Espagne au royaume de France de Louis XIV, de la totalité du Roussillon, du Conflent, du Vallespir, du Capcir et d’une partie de la Cerdagne. Après cette superbe découverte, pas toujours évidente à dénicher sans GPS, il faut évidemment rebrousser chemin en direction de Montner pour retrouver le Chemin de Véronique. On poursuit par la rue des Ecoles, la place de l’Aire où se trouve la jolie mairie, on traverse la Grande Rue, on tourne à gauche à la rue de Força Réal où l’on retrouve le balisage jaune propre aux P.R ainsi qu’une pancarte du Chemin de Véronique. Cette assurance retrouvée, on continue par la rue de la Marinade qui, au milieu de splendides villas et des mimosas en fleurs, nous entraîne hors du village. On poursuit tout droit la route bitumée qui descend au milieu du vignoble et file en direction de la toison verdâtre du Massif de Força Réal. On est désormais sur le « sinueux » Chemin de Véronique et il suffit de prêter attention au balisage jaune, pas toujours évident, notamment sur la fin,  pour respecter l’itinéraire de cet agréable circuit dont les buts peuvent être multiples : Il y a bien sûr une flore très riche à contempler avec de nombreuses plantes en fleurs en ce début de printemps, la faune, elle est plus discrète et sauf à avoir la chance de lever quelques perdreaux ou faisans, de voir courir quelques lapins, lièvres ou sangliers, on se contentera, en cette saison, d’observer surtout des papillons et des insectes de toutes sortes mais en réalité les vraies découvertes sont le patrimoine agraire d’antan, les divers éléments qui ont forgé l’identité locale, l’exploration du terroir et du vignoble actuel, la visite du village et accessoirement, si vous êtes follement amoureux, vous lancer dans une course effrénée derrière votre belle pour tenter de la rattraper…..même si elle ne s’appelle pas Véronique ! Moi, en randonneur solitaire, je n’avais pas à « speeder » et comme je me suis mis à ramasser quelques asperges sauvages, j’ai alterné une espèce de vadrouille dans un maquis typiquement méditerranéen, mais plutôt agréable car très florilège en ces premiers jours du printemps, puis une très lente flânerie au milieu du vignoble ocre et schisteux, puis en côtoyant les Mas de la Beille, celui magnifique d’en Garrigue avec ses deux superbes arcades et enfin le Mas Raphaël avec vue sur le village, tel un revenant à la recherche de vieux souvenirs, j’avais l’impression d’errer dans les vestiges de fermes hantées par des fantômes. J’avais le sentiment que ces décombres effondrés, ruines d’un passé rural aujourd’hui révolu, gardaient secrètement en leur sein tout un lot de magnifiques histoires pastorales à jamais oubliées. Tout avait disparu ! Les hommes, leurs travaux des champs, leurs vies, leurs maisons, leurs histoires, il ne restait que des pierres qui, elles aussi, si elles n’étaient pas restaurées rapidement, seraient vouées à tomber un beau jour en poussières et à disparaître à tout jamais. Heureusement qu’un ou deux viticulteurs étaient là à s’occuper passionnément de leurs vignes sinon j’aurais eu l’impression d’être un « Robinson Crusoé » de la randonnée pédestre. La cloche de l’église se mit à m’appeler et c’est avec une grosse botte d’asperges sauvages à la main, et en tous cas, largement suffisante pour une « belle » omelette, que je fis mon entrée dans Montner. Il est déjà 18 heures passé, mais je veux encore profiter de la fraîcheur de cette fin de journée pour rejoindre le caveau de dégustation et ma voiture par une dernière visite du village, de ses ruelles, de ses places, de sa belle église Saint-Jacques avec sa jolie façade de style baroque espagnol, de sa « cobe », étonnante venelle en forme de tunnel qui servait à l’évacuation des eaux de pluies. Le soleil, qui m’avait ébloui à 10 heures, a sérieusement décliné depuis. Le ciel bleu, si resplendissant ce matin, a blanchi au fil des heures et ce merveilleux Canigou enneigé qui m’avait incité à partir randonner, a définitivement disparu dans une brume laiteuse. Pour moi, l’heure était venue d’aller retrouver ma belle…qui revenait par TGV de la région parisienne. L’amoureux avait t-il réussi à retrouver Véronique? La légende ne le dit pas ! Sans aller à la Roque d’En Talou, cette boucle de 8 kilomètres est donnée sur le guide pour 2h30. Moi, Roque d’En Talou, pique-nique, photos et asperges sauvages incluses, je préfère ne pas vous dire le temps que j’ai mis car j’en deviendrais ridicule. Carte IGN 2448 OT Thuir.Ille-sur-Têt Top 25.

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