Ce blog est destiné à faire aimer la marche et les randonnées au plus grand nombre. Il y a de nombreuses randonnées ou balades expliquées pour les départements des Pyrénées-Orientales et de l'Aude en particulier mais il y en aura aussi sur d'autre
Oui, j’ai aimé la corrida !
A l’heure où de nombreux citoyens veulent la peau de la tauromachie tant côté espagnol que français, je ne crains pas de le dire : « oui, j’ai aimé la corrida ! ».
Pourtant cette déclaration ne se veut en rien provocante et surtout je n’en tire aucune jouissance ni quelconque fierté. C’est simplement qu’il fut un temps où j’ai aimé ce « jeu de cirque » que certains dépeignent aujourd’hui comme un spectacle « barbare » d’un autre temps.
Je peux donc comprendre que certaines personnes aient continué à l’aimer même si aujourd’hui ce n’est plus tout à fait mon cas.
Quand je dis « plus tout à fait » c’est parce que si je n’aime pas cette condamnation lente, cruelle et programmée du taureau et les souffrances faites au animaux en général, j’ai gardé au fond de moi, le goût pour ce spectacle coloré où l’homme est seul face à l’adversité. Certains ont décrit la tauromachie comme un art et d’autres comme un sport mais sincèrement je ne crois pas qu’un spectacle qui consiste à affaiblir un animal pour l’abattre au final soit un art ni un sport. Les arts et les sports ont évolué au fil des siècles, la peinture de la Renaissance n’est pas celle d’aujourd’hui, la musique non plus, le jeu de Paume n’est pas le tennis que l’on connait de nos jours mais la corrida, elle, n’a pas changé et est restée une tradition localement très limitée.
Si j’en parle aujourd’hui, c’est parce que le sujet est d’actualité et que le 28 juillet 2010, le Parlement catalan a envoyé à la France un signe très fort en votant l’abolition de la corrida en Catalogne espagnole.
Oui, j’ai aimé la corrida mais sans vouloir me trouver d’excuses, je l’ai aimé comme un enfant brésilien né au pied des gradins du Stade Maracaña ne peut automatiquement qu’aimer le football.
Je suis né en 1949 à Marseille et peu de personnes le savent mais la cité phocéenne et la tauromachie c’est une très longue histoire d’amour de presque deux siècles qui a commencé en 1770 dans le quartier de La Plaine pour se terminer en 1962 dans les arènes démontables du Boulevard de Paris. Entre temps, des générations de marseillais ont été passionnés par les toros et on a dénombré jusqu’à 15.000 spectateurs lors de certaines représentations. Les historiens marseillais ont recensés 18 sites, 22 journaux taurins ont vus le jour et 3 « plazas » ont fonctionné en même temps ce qui constitue un record de France.
Pour moi, chance ou malchance, entre ces deux dates, des arènes ont été construites en 1955 dans le quartier de Bonneveine à 500 mètres de chez moi. Mon frère Daniel avait 9 ans et moi 6. Sous le prétexte que nous allions voir du foot, excuse que nous donnions généralement à nos parents, très souvent, mon frère et des copains m’entraînaient vers les arènes. Ces arènes du Parc Borély que l’on appelait aussi arènes de Bonneveine sont rapidement devenues pour nous, d’abord un champ de jeu car nous prenions surtout plaisir à entrer en « resquillant », comme on dit à Marseille, puis un espace de ferveur, car, pour les enfants que nous étions, il y avait un côté magique et jubilatoire à entendre 9000 personnes criaient « olé ! olé ! » aux véroniques de Luis Miguel Dominguin ou d’Antonio Ordonez.
A l’époque, j’étais insouciant et sans doute un peu cruel comme tous les enfants. Les toreros « maestros » étaient mes idoles. Loin de moi l’idée que la cruauté puisse être constamment présente dans cette enceinte et je ne me souviens pas avoir pleuré une seule fois à la mise à mort d’un taureau même après une estocade ratée. En 1959, les arènes de Bonneveine fermèrent mais la passion de la tauromachie était sournoisement entrée en moi. En grandissant, je quittai Marseille, accompagné de copains, pour aller voir d’autres corridas régionales et je manquai rarement les férias d’Arles ou de Nîmes. Puis je me suis marié et me suis contenté de regarder quelques corridas à la télé. Au fil du temps, je me suis tourné vers d’autres pôles d’intérêts et quand je voyais une corrida à la télé, même si je continuai à apprécier la beauté des « passes » d’un brillant El Juli, je prenais peu à peu conscience des souffrances que l’animal endurait et j’ai fini par me détacher définitivement des spectacles taurins que je trouvai d’une brutalité extrême dans les phases du « picador » notamment et, bien sûr, de la mise à mort finale. J’aurais aimé que la corrida évolue vers un spectacle plus humain où au final, on gracie le taureau. La tauromachie serait peut-être devenue un art ou un sport à part entière ?
Ma vie et mes rapports à la tauromachie furent ainsi. En m’éloignant des arènes, j’ai fini par m’éloigner de la tauromachie. Mais aujourd’hui je ne blâme pas ceux qui comme moi sont nés à proximité d’arènes et continuent à les fréquenter parce qu’ils ont toujours vécu dans cette ambiance. Nos chemins ont divergé tout simplement.
Oui, j’ai aimé la corrida et je ne l’aime plus, mais si je suis anti-corrida telle qu’elle se pratique encore, je ne suis pas un anti-aficionado !