Ce blog est destiné à faire aimer la marche et les randonnées au plus grand nombre. Il y a de nombreuses randonnées ou balades expliquées pour les départements des Pyrénées-Orientales et de l'Aude en particulier mais il y en aura aussi sur d'autre
Si avant de me lancer dans la description de cette balade à « la Montagne des Cornes et le lac de Barrenc depuis Rennes-les-Bains », je vous parle d’orthocératites, d’ostracites, d’hippurites, de radiolites voire de rudistes, il est presque certain que tous ces mots-là ne signifieront pas grand-chose pour la plupart d’entre-vous. Ne vous inquiétez pas, il en était de même pour moi il y a très peu de temps encore et ce n’est qu’en lisant le numéro 132 de Pyrénées Magazine de novembre et décembre 2010 que je les ai découvert pour la première fois. Pourtant dieu sait si au cours de ma vie, j’ai mis très souvent la tête sous la surface des eaux de la Méditerranée et quelquefois d’autres mers ou océans…avec un masque et un tuba bien sûr…..et là, vous êtes un peu perdus car vous vous dites quel rapport avec Pyrénées Magazine et avec une randonnée dans une montagne du nom « des Cornes » ? Eh bien oui, il y a pourtant un rapport incontestable car tous ces noms-là sont ceux attribués à des coquillages marins qui ont vu le jour il y a 150 millions d'années dans ce qui était à l’époque notre Méditerranée. Certes, c’était une « Grande Bleue » bien plus grande que celle d’aujourd’hui car elle s’étendait grosso modo de la Mer des Caraïbes à celle du Japon et ce n’est que bien plus tard qu’on lui a donné le joli nom de Téthys. Ces coquillages, je n’en avais jamais entendu parlé, on ne les trouve pas sur les étals du « Pescadou » ni dans les plateaux de fruits de mer de chez « Boniface » et pour cause car si leur existence a duré 80 millions d’années, ils ont définitivement disparu il y a moins de 70 millions d’années et ils ne vous sont familiers que si vous êtes calés en paléontologie voire en géologie car bien évidemment il n’en reste aujourd’hui que des fossiles. Ces fossiles bivalves vivaient comme les moules et les huîtres aujourd’hui, c'est-à-dire en groupe et sur des récifs coralliens que parfois ils construisaient eux-mêmes. C’est le célèbre naturaliste toulousain Philippe-Isidore Picot de Lapeyrouse qui les a découvert dans cette montagne en 1775 et il rajoute que c’est le « vulgaire » qui leur a donné le nom de « cornes » car les coquilles étaient majoritairement cylindriques et ressemblaient effectivement à des cornes. Pour un scientifique tel que lui, le mot « cornes » n’étant pas acceptable, il s’empresse de cataloguer ces mollusques fossiles dans des familles déjà existantes du noms d’orthocératites et d’ostracites dans l’ouvrage consacré à cette découverte : « Description de plusieurs nouvelles espèces d’Orthocératites et d’Ostracites ». Un peu plus tard, en 1801, Jean-Baptiste de Lamarck leur donne respectivement le nom d’Hippurites et de Radiolites et en 1819, il crée le groupe des Rudistes où il met les Radiolites mais laisse par erreur les Hippurites dans la famille des Céphalopodes. Voilà pour une brève explication des quelques mots avec lesquels j’ai commencé cet article. Si le sujet vous intéresse, vous pourrez toujours l’approfondir en lisant le livre de Picot de Lapeyrouse mais je vous conseille également la lecture de l’étude de Michel Bilotte, professeur de géologie à l’Université Paul Sabatier de Toulouse, disponible sur Internet et intitulée la « Montagne des Cornes ». Bon je vous l’ai déjà dit aussi, je ne connais pas grand-chose à ces disciplines que sont la paléontologie et la géologie et c’est une fois de plus la curiosité et le plaisir de la découverte pédestre qui m’ont attiré dans cette Montagne des Cornes. Elle est située tout près de l’adorable cité thermale de Rennes-les-Bains, point de départ de cette balade. Après l’avoir découverte sur Pyrénées Magazine, je m’en étais beaucoup rapproché lors d’une belle randonnée qui, au mois d’avril, m’avait amené au sommet du Pech Cardou et c’est vrai que depuis, je l’avais inscrite sur mes tablettes. Mais après la découverte de la Rialsesse au printemps dernier, j’avais envie de voir comment était cette belle et dense forêt domaniale en automne. Autant vous le dire, je ne fus pas déçu car si les couleurs automnales me laissent toujours en extase, joindre la beauté à l’agréable n’était pas pour me déplaire et ce fut chose faite avec une « escarcelle » bien remplies non pas de rudistes mais de quelques magnifiques « roubillous » bien plus appétissants et d’un gros sachet de châtaignes. A Rennes-les-Bains, j’ai quitté la D.14 pour enjamber la Sals et après m’être quelque peu égaré sur ses rives, j’ai finalement rebroussé chemin avant d’emprunter la petite route de Montferrand. Il faut dire que mon idée première était de commencer cette balade par la visite de la Fontaine des Amours, mais comme mon observation de la carte IGN avait été négligée, je ne l’avais jamais imaginée aussi éloignée de la ville. J’ai donc gardé cette Fontaine des Amours pour une autre occasion et je suis parti illico presto, plein d’entrain et impatient dans les pas de Picot de Lapeyrouse vers cette insolite Montagne des Cornes. Sur la route de Montferrand, dès que celle-ci s’élève en formant une fourche, on délaisse la petite ruelle qui descend à gauche et ce, malgré qu’elle soit matérialisée par une pancarte indiquant de nombreuses randonnées. On reviendra par là. Immédiatement après, on prête attention à un balisage jaune qui, sur la droite, nous indique d’emprunter une rampe. Très vite, celle-ci se transforme en un sentier muletier pavé de gros galets s’élevant dans un sombre sous-bois. Quand tout aussi vite, on retrouve la lumière et le bitume, on poursuit tout droit en passant devant le Foyer médicalisé les Terrasses du Cardou. A la première intersection, un panneau de randonnée préconise d’aller tout droit vers la Fageole sur un « Sentier géologique ». Si pour ma randonnée, le balisage jaune de ce sentier peut partiellement être suivi, j’avoue avoir quelque peu perdu son itinéraire en chemin et j’ignore si la Montagne des Cornes en est le but principal. Mais peu importe car si vous suivez mes indications vous la trouverez quand même. On poursuit sur 1.400 mètres environ, ce large chemin creux jusqu’à déboucher sur une pré herbeux où les premiers panoramas apparaissent. Ici, le sentier se sépare en deux et l’on se retrouve face un vaste dôme recouvert d’une épaisse forêt alternant feuillus et conifères. Ce dôme, c’est la Montagne des Cornes. A cet embranchement, on prend le sentier qui file à droite et entre dans la forêt, celui de gauche allant vers Montferrand. Six cent mètres plus loin, on délaisse le balisage pour emprunter un autre sentier mal débroussaillé qui part à gauche dans des feuillus toujours plus bas et ce, malgré une croix jaune qui semble en déconseiller l’accès. Après quelques minutes de marche, les premières strates fossilifères de la Montagne des Cornes apparaissent. En poursuivant le sentier, on s’élève sur un grand tertre herbeux entouré de pins et sans s’en douter, on marche sur un ancien récif corallien de type tropical qui n’est, ni plus ni moins, qu’un amoncellement de fossiles vieux de plus de 80 millions d’années. Les principaux fossiles sont sur la droite du sentier dans les affleurements rocheux de la colline. Même si rien ne le laisse présager, on est parait-il, selon Pyrénées Magazine, sur un terrain privé et en tous cas avec certitude sur un site patrimonial véritablement exceptionnel. Il est donc impératif d’être respectueux de cet environnement unique et également prudent car le site est certainement surveillé de temps à autres par des gardes forestiers. Si vous n’êtes pas, ni paléontologue, ni géologue, il est donc inutile d’y aller avec un marteau et des burins car des centaines de morceaux de « cornes » jonchent déjà le sol soient emportés par le ravinement des eaux pluviales soient à cause de quelques pilleurs indélicats ou collectionneurs de fossiles qui sont déjà passés auparavant. La lecture de vieux bouquins du 19eme siècle m’a appris qu’il en était de même il y a déjà plus d’un siècle (Dictionnaire de géologie : suivi d'esquisses géologiques et géographiques-Adolphe de Chesnel-1849). Après avoir longuement observé les fossiles, je me suis assis sur l’herbe et tout en grignotant une barre de céréales, j’ai fermé les yeux et j’ai imaginé, comme j’avais pu le lire dans Pyrénées Magazine, que je nageais dans les eaux turquoises d’un lagon entouré de quelques dinosaures entrain de faire un festin de ces coquillages. Puis mon rêve se transformât soudain en un cauchemar dès lors qu’un Tarascosaure, planqué derrière un palmier, attendait que je sorte de l’eau pour me croquer. Alors j’ai ouvert les yeux et j’ai préféré oublier ce « Jurassic Park » énigmatique et un peu dangereux et je suis parti, non pas à la recherche d’un « Monde Perdu » mais à celle plus « savoureuse » de quelques lactaires délicieux. Ce retour à la réalité fut bien inspiré car en partant sous les pins environnants, j’ai pu constater que les lactaires y étaient très communs même si les « oranges » et les « sanguins » n’y sont pas les plus nombreux. Après cette petite moisson, il était temps de rebrousser chemin en direction d’autres découvertes. Il y avait notamment le lac de Barrenc que je voulais voir car j’avais lu quelques histoires très étranges avec par exemple celle d’un mystérieux bélier noir sortant des eaux ou bien celle d’un berger qui avait failli être englouti dans un effondrement du terrain. En occitan, « barrenc » signifie puits, ravin, précipice, gouffre, aven, etc…. En chemin, j’aperçus encore quelques fossiles en bordure de la piste forestière mais comme je privilégiais la découverte de panoramas, je ne m’y suis pas attardé et dès que je l’ai pu, j’ai quitté cette large piste monotone au profit d’un sentier qui domine le vallon de la Coumo et laisse entrevoir de bien belles vues sur l’immense forêt domaniale et sur les pechs de Brens et du Bugarach. Vers le sud-ouest c'est à dire vers le Pays de Sault, mais à l’horizon, quelques sommets pyrénéens déjà enneigés étincelaient sous les ardents rayons d’un soleil au zénith. L’heure de casser la croûte était arrivée et un petit pré herbeux avec des vues sur ces merveilleux paysages se présentât à point nommé. Quand je repris mon itinéraire hors des pistes battues, j’eus la chance de passer sous de hauts châtaigniers dont les bogues piquants étaient tombés et jonchaient le sol. En quelques minutes, j’eus tôt fait de remplir une grosse bourse de délicieuses châtaignes puis j’ai finalement retrouvé des pistes à la jonction d’un carrefour. J’ai emprunté celle qu’un panonceau « Circuit D » m’indiquait de prendre. Je savais le lac de Barrenc peu éloigné mais comme aucun panonceau ne m’en indiquait sa direction, j’ai cru bon de jeter un coup d’œil sur ma carte et sur mon GPS. Bien m’en a pris car il fallait quitté rapidement cette piste principale au profit d’un sentier herbeux et boueux qui partait vers la gauche et c’est ainsi qu’en poursuivant, j’ai finalement atteint une grande et haute ruine au sein d’un bois qui domine ce mystérieux lac de Barrenc. J’ai cherché sur Internet et j’ai finalement trouvé que cette ruine était une ancienne métairie où l’on trouvait paraît-il du bon lait. (Pyrénées de Paul Joanne – 1888). Certains prétendent qu’un peu plus tard, à la fin du 19eme siècle, cette métairie servit de buvette et même de guinguette et que de nombreux curistes avaient pris l’habitude de venir se baigner dans le lac. J’ai même lu qu’on y pêchait des truites. Sans doute, le niveau de eaux était-il supérieur de plusieurs mètres à celui d’aujourd’hui ? A cette buvette, y buvait-on que du lait ? L’histoire ne le dit pas. Alors c’est vrai que le soir, au moment où j’allais rejoindre Montferrand, une rencontre opportune avec un couple de personnes âgées me permit d’apprendre que cette butte qui domine le lac de Barrenc avait été dans un passé pas si lointain que ça, un espace où il faisait bon venir le week-end pour se reposer dans un endroit calme en bordure de ce petit lac plein de fraîcheur. J’avoue qu’à l’écoute de ce récit, j’ai été un peu circonspect car quand on voit ce lieu aujourd’hui, avec cette haute ruine largement envahie par la végétation, avec ce bois inhospitalier et ce lac qui n’a de lac que le nom car en réalité ce n’est ni plus ni moins qu’une petite mare insignifiante aux eaux noires et stagnantes dont les berges sont difficilement accessibles, on a du mal à imaginer qu’on ait pu y venir pour prendre du bon temps et même s’y baigner en grand nombre (Bulletin de la Société d’Etudes Scientifique de l’Aude-17eme année - Tome XVH de 1906). Quand aux truites qu’on y pêchait, elles y étaient sans doute déverser car le lac de Barrenc n’est parait-il alimenté par aucun ruisseau. Avec difficultés et en enjambant branches cassées et ronciers griffants, j’ai fini malgré tout par en atteindre une de ses rives pour quelques sombres photos et malheureusement, je n’y ai rencontré aucun bélier noir sortant de ses eaux ni diabolique sorcière, je dirais presque au contraire. En effet, au moment même où je venais de rejoindre la piste forestière après avoir quitté Barrenc, c’est plutôt une très belle fée qui m’accosta me demandant où se trouvait le lac. A son accent espagnol très prononcé, je compris très vite qu’elle n’était pas du coin et d’ailleurs elle s’empressa de me dire, mais en anglais, qu’elle était du Costa Rica. Bien qu’au fond de moi-même, je me demandais ce que pouvait bien faire une aussi jeune et jolie femme, de surcroît toute seule et Costaricienne à chercher le lac de Barrenc dans cette Montagne des Cornes, je n’ai pas osé lui poser de questions et je ne me voyais pas lui refuser mon aide. Nous avons donc regardé la carte IGN ensemble et dans mon anglais incertain, je lui ai donc indiqué le chemin sans toutefois négliger de la prévenir quand à l’accès très difficile pour atteindre le lac. Je lui ai donc répété à maintes reprises « access at the lake more difficult ! » et « the vegetation is more important » et au bout de quelques minutes me faisant signe de la tête qu’elle avait compris, la belle fée de la « Côte Riche » a fini par s’éloigner me gratifiant d’un joli sourire et d’un gracieux au revoir de la main. Supposant qu’il s’agissait d’une curiste voire d’une simple touriste, j’ai repris ma route vers le col d’Al Bouich, point culminant à 705 mètres de cette balade, puis vers Montferrand m’arrêtant en chemin pour finir pour mon casse-croûte. Toute cette partie étant parfaitement balisée avec de nombreux panonceaux indicatifs, il ne me parait pas utile de vous la décrire dans le détail. Sachez simplement que j’ai traversé Montferrand en reprenant à l’envers une partie de l’itinéraire qui, au mois d’avril dernier, m’avait amené au Pech Cardou puis je l’ai quitté près d’un panonceau indiquant Rennes-les-Bains. En quelques minutes, j’ai retrouvé la petite route de Montferrand et dans la cité thermale, il ne me restait plus qu’à rejoindre mon véhicule que j’avais laissé non loin de la mairie. J’estime la longueur de ma balade à environ 16 à 17 kilomètres. Le dénivelé est d’à peine 390 mètres mais les montées cumulées dépassent les 1.000 mètres. Carte IGN 2347 OT Quillan-Alet-les-Bains Top 25.