• Ce diaporama est agrémenté de la chanson "What a Wonderful World" des compositeurs Bob Thiele et George David Weiss. Elle est successivement jouée ou chantée ici par "Malin" Villagran (guitare) et son orchestre, Michael Bublé (chant), Stacey Kent (chant), Sounds Orchestral (orchestre), Hinterland Jazz Orchestra (chant) et enfin par le maître Louis Armstrong accompagné de Kenny G (saxo). 

    La Boucle de Port-Mahon depuis Sigean

    La Boucle de Port-Mahon depuis Sigean

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    Le 1er décembre dernier, en roulant vers Sigean, lieu de départ de cette randonnée pédestre intitulée « Boucle de Port-Mahon », j’en suis à me demander depuis quand je ne suis plus venu randonner dans ce secteur. Je me souviens de diverses balades effectuées en 2016 dans l’Aude, et notamment celles non loin de là intitulées la « Boucle de Canto-Perdrix depuis Portel-des-Corbières » ou la « Boucle de La Palme », je me souviens bien évidemment d’un mémorable mais « énervant » tour sur le « Sentier du Golfe Antique (*) », effectué en 3 jours et en septembre, mais l’année de ce passage à Sigean lors de la dernière étape de ce tour continue de m’échapper. Ce n’est pas en 2013, année d’un inoubliable Tour du Capcir avec mon fils.  2014 ou 2015 restent donc en balance ? Je ne sais plus exactement ! Je finis par arrêter de me poser la question en me disant « Le temps passe si vite pour le retraité que je suis ! ». En arrivant à Sigean et sachant que le départ pour Port-Mahon n’est pas très loin du centre-ville, je réussis par chance à garer ma voiture à proximité. Là, déambulant à la recherche de la ligne de départ, je retrouve le bistrot où je m’étais attablé en terrasse pour y manger un énorme pan-bagnat agrémenté d’une non moins volumineuse chope de bière. Très affamé ce jour-là et un peu lassé de boire l’eau de ma gourde, j’avais rêvé de tout ça et ce menu était tombé à pic ! Mais c’était en quelle année au juste ? Allez savoir pourquoi, mais cette question continue de me tarauder la tête ?  De ce Sentier du Golfe Antique, je me souviens de beaucoup de choses pourtant, mais cette question d’année, dont la réponse est forcément bien inutile, reste constamment en suspens. Alors je rentre dans le bistrot pour prendre un café et là les souvenirs resurgissent comme un diable sortant de sa boîte. 2014 bien sûr ! D’un seul coup, en regardant ce petit coin du comptoir où les gens viennent tenter leur chance, je me souviens de cette grille du Loto que j’avais faite, jeu plutôt inhabituel chez moi et pourtant si spontané ce jour-là. Même les numéros reviennent à ma mémoire. C’était les numéros 25-26-27,  jours de ma balade sur le sentier du Golfe Antique auxquels j’avais ajouté le 9 de septembre, plus le 29, jour de naissance de Dany et enfin j’avais joué le 1 et le 4 en numéros de chance pour l’année 2014 soit une grille à 4 euros. Je me souviens qu’en rentrant à la maison, je m’étais aperçu que j’avais gagné 5 à 6 fois plus que ma mise. Ce n’était pas le gros lot certes mais j’avais eu 3 bons numéros. Voilà ce dont je me souviens tout à coup en regardant ce coin du comptoir où j’avais joué mon jeu voilà 4 ans. Je bois mon café, rejoue une grille identique à celle de 2014 et démarre ma balade.  C’est sans doute idiot, mais en sortant du bar, je prends la direction de l’église Saint-Félix avec le cœur léger et un peu comme si j’avais du poids en moins dans mon sac à dos. Ce problème d’année sur le Sentier du Golfe Antique est définitivement sorti de ma tête. L’esprit tranquille, je peux me consacrer à cette « Boucle de Port-Mahon ».  Après des photos de l’église, de quelques oiseaux qui l’occupent, de l’étonnante demeure où ont séjourné les rois Louis XIII et Louis XIV, je trouve aisément le départ c’est à dire la rue de la Barbecanne (ou Barbacane), le panonceau directionnel de ma balade puis la rue des Abattoirs. Voilà, je suis déjà sur le bon chemin et mon G.P.S que j’ai pris soin d’allumer me le confirme. Je l’éteins car comme tout bon P.R, l’itinéraire est bien balisé de jaune. Malgré un départ sous un ciel voilé, mais parfois carrément laiteux ou bleu plus loin, selon le point cardinal vers lequel je me tourne et regarde, malgré le bitume de la route et des décors peu folichons car trop industriels, je reste néanmoins optimiste car je sais que mes véritables cibles sont beaucoup plus loin. J’entends par « cibles », les paysages palustres que je dois cheminer, c'est-à-dire les salins et les étangs, et bien évidemment les « cibles photographiques », avec les oiseaux qui les occupent généralement. Outre celui de retrouver le goût de la marche après quelques problèmes de dos, voilà quels sont mes objectifs principaux. Les petits passereaux étant déjà très présents, je flâne plus qu’il ne faut. Après tout peu importe car j’ai tout mon temps et au moins quelques heures devant moi largement suffisantes pour effectuer les 13 km annoncé. De rares fleurs, des rouges-queues noirs et des tariers pâtres en grand nombre plus quelques autres passereaux joueurs qui ont envie de me distraire, je mets 40 minutes pour atteindre le Grand Salin, à l’endroit même où des vestiges ; transformateur, réseau hydraulique et vannes ; sont les témoins de l’ancienne production du sel. Là, juché sur un ponton bétonné situé derrière le transfo, je photographie des flamants roses. Il y en des roses pales, de très roses et même certains presque rouges. Ils dorment en groupe, la tête enfouie dans leur plumage et perchés semble-t-il sur une seule patte. Un peu à l’écart de ce groupe de « couche-tôt », d’autres flamants, le popotin en l’air,  en sont déjà à l’heure du déjeuner. Tout en avançant comme une armée de soldats roses, ils se balancent comme des culbutos perpétuels plongeant leur gros bec sous la surface et dressant leur postérieur vers le ciel. Ce manège se répète inlassablement et quand par hasard, ils sont plusieurs à le faire en même temps, ça ressemble à une jolie chorégraphie aquatique. Peu après, je quitte enfin le bitume au profit d’un chemin boueux entamant le tour du salin direction le lieu-dit Le Mourillon. C’est l’instant que choisissent deux fauvettes pour me faire courir alors que je suis en quête de leur tirer le portrait. Course bien inutile car je ne parviens pas vraiment à les photographier correctement. Finalement, le chemin s’éloigne très vite du bord du marais et c’est le moment où un faucon crécerelle se lance dans un vol stationnaire parfaitement maîtrisé. Que lorgne t-il au juste ? Un petit rongeur ? Un oisillon ? Un batracien ? Un petit reptile ? Ici, tout est possible dans ce décor étrange où les paysages lagunaires et humides se mélangent si rapidement à la sécheresse du maquis et de la garrigue et aux verdoyantes pineraies. Un chevalier, au bec droit et pointu comme une aiguille, s’égaye dans une mare. Le large chemin que je poursuis se faufile au milieu de ce milieu si variable, mais également au sein de vignobles où chaque pied de vigne affiche des feuilles aux jolies nuances automnales. Jaunes et vertes, vertes et oranges, rouge et parfois même carrément écarlates, les vignes apportent une touche de couleur sous un ciel indécis mais le plus souvent lactescent. Un oiseau jaune sort de son bain tout ébouriffé, se perche en boule sur une branche et se laisse gentiment photographier. Un bruant zizi peut-être ? Bruants, pinsons, chardonnerets, verdiers et bien d’autres passereaux semblent se complaire dans ces décors paysagers si variés. S’ils sont parfois reconnaissables, les photographier reste bien compliqué. Paradoxalement, leur grand nombre m’offre néanmoins de multiples possibilités mais complique parfois la tache. Le large chemin débouche sur une nouvelle route asphaltée, et si le lieu-dit les Cabanes n’est pas très loin selon moi, je juge qu’il est temps d'examiner mon bout de carte IGN car je trouve le macadam bien trop présent en ce début de circuit. Avant de venir, et pour avoir analyser les lieux sur Géoportail et les itinéraires d’autres randonneurs, je sais que d’autres parcours plus lagunaires sont possibles pour atteindre Les Cabanes. Après la lecture de ma carte, je fais le choix de couper à travers champs et vignobles pour me rapprocher au plus près du salin Grimaud. Chemins herbeux mais parfois boueux, sentier dans les roselières puis grande bâtisse à l’abandon cachée dans une pinède; dont je me demande pourquoi elle est dans cet état et quelle était sa véritable fonction ? ; je prends beaucoup de plaisir à marcher dans ces décors bien différents car les oiseaux sont encore très nombreux. Finalement, ce plaisir trouve sa plénitude dès lors que je traverse le Salin Grimaud sur les deux terre-pleins qui le coupent de parts en parts. Si un panneau du Conservatoire du Littoral préconise la tranquillité des oiseaux, je sais que début décembre n’est pas, ni la période de reproduction, ni celle de la nidification des oiseaux dans ce secteur mais elle est parfois celle de la migration. Et puis, je ne fais que passer ! Un petit groupe de tournepierres colorés que j’aperçois sur la berge, et donc je réussis tant bien que mal à photographier un exemplaire, est la preuve évidente de cette migration.  Ici aussi, beaucoup de flamands roses, mais également des goélands, des aigrettes, des hérons et toujours ces passereaux qui ne tiennent pas en place. Tout au bout, le chemin devient presque plage dès lors que je longe l’étang de Bages-Sigean. Sur ma droite, l’île de Sainte-Lucie et derrière moi, Port-la-Nouvelle et son complexe industriel qui s’éloigne. Dans mon envie de marcher toujours plus près de l’eau ; pour ne pas dire obsession ; je finis par me retrouver à patauger sur un chemin herbeux de plus en plus humide car de plus en plus envahi par les eaux et donc de plus en plus profond. Encadré de hauts joncs formant une haie naturelle mais infranchissable, il est temps pour moi de trouver une autre solution que celle qui consisterait à ôter mon « futal » et mes godillots de marche. Je rebrousse un peu chemin, et retrouve un sentier plus sec filant vers un champ en jachères puis des vignes. Là, j’enjambe une clôture, traverse la vigne en question, saute un muret et comme par enchantement, me voilà près de cabanons de pêcheurs. Voilà les véritables cabanes faites de planches ! Quelques minutes plus tard, je débouche sur une vaste esplanade, de nouveau en bordure de l’étang que dans mon entêtement j’avais l’intention de suivre. Un bon chemin se dirigeant vers le hameau des Cabanes en est la continuité naturelle. Un tronc d’arbre planté droit dans une petite barque, tel un gros crucifix, démontre l’originalité et un sens de l’humour très prononcé des gens du cru. Le village que je traverse est calme et très tranquille et si ce n’étaient les piaillements de nombreux moineaux, les cris de quelques étourneaux, le pleur enfantin mais déchirant d’un goéland que je fais fuir à tire d’ailes et le clapotis de l’eau sous la coque des bateaux au mouillage, le silence y serait des plus complets. Je traverse le hameau et son minuscule port de pêche sans presque m’arrêter et poursuis l’étang toujours au plus près de l’eau. Seuls les oiseaux ont réussi à m’arrêter mais il faut dire aussi qu’ils sont les seuls êtres vivants aperçus. Tamaris, prés en jachères, chemin herbeux et toujours des oiseaux à profusion auxquels viennent s’ajouter quelques papillons, criquets et libellules, je n’avance pas très vite dans ce bord du rivage devant me mener vers Port-Mahon. Peu après le très beau domaine de Saint-Michel, je m’arrête pour déjeuner sous les pins et près d’une stèle surmontée d’une croix en fer. En réalité, cette stèle en forme d’obus ressemble très étrangement à ces bornes frontière telles que l’ont peut en voir du côté de Bélesta-la-Frontière ou de Fitou. Sachant que Sigean a également été concerné par cette frontière entre royaume de France et d’Aragon, formalisée par le Traité de Corbeil de 1258, j’en suis à me demander s’il ne s’agit pas d’une borne frontière à laquelle on aurait donné une autre destination en y rajoutant une croix ? Ici, face à l’étang, déjeuner est un réel plaisir. Pas de vent, la surface de l’eau lisse comme un miroir, des petits passereaux que le silence laisse venir gentiment vers moi, un essaim de mouettes rieuses qui viennent doucement se poser avant de se raviser en me voyant, un héron cendré que ma présence ne perturbe pas plus que ça car je le vois simplement hésitant à venir se mouiller les pattes ou bien à aller se percher sur un grand pin puis en définitive il choisis de faire les deux, et enfin un cormoran très noir planant en rase-mottes et venant vers moi comme un oiseau de mauvaise augure avant de repartir. La Nature à l’état brut comme j’aime l’observer ! Or mis quelques pinsons jouant dans les pins, une grande aigrette au bec jaune et un chevalier guignette picorant les algues de la rive, la suite vers Port-Mahon est forcément moins divertissante. D’abord parce que les oiseaux finissent par disparaître ou presque, ensuite parce qu’une brise du nord se fait légèrement sentir mais surtout à cause de la base nautique à laquelle je parviens. Bien qu’elle soit déserte, elle me ramène, avec son centre de voile, ses pontons et ses bateaux, à un début de civilisation que j’avais fini par oublier. Par bonheur, le sentier s’élève dans les pins en direction d’une falaise crayeuse où se trouve une table d’orientation. Si la table en elle-même, avec ses quatre supports cimentés, n’a rien d'insolite, les vues, elles, sur l’étang de Bages-Sigean, ses presqu’îles et ses îlots, sont vraiment superbes. En regardant plus loin, on distingue les Corbières maritimes sur la gauche, plantées quelles sont d’innombrables éoliennes, et sur la droite le Massif de la Clape. En dessous, pointé vers le large et vers l’île de l’Aute, j’observe ce qui ressemble à un terre-plein, voire aux vestiges d’un très vieux débarcadère. Ce terre-plein que l’on appelle le Clamadou s’avance sur quelques mètres puis disparaît dans les eaux, terre-plein sur lequel les chercheurs semblent en désaccord quand à son origine que certains disent antique, d’autre médiévale ou bien encore carrément moderne car supposant que sa fonction unique était de décharger du sel. Certains historiens vont plus loin et prétendent que ce débarcadère serait le dernier vestige d’un port aujourd’hui disparu, celui de Port-Mahon, mais sans pour autant être d’accord sur son ancienneté, qui elle demeure apparemment incertaine autant que sa toponymie (**). La suite, sans consulter mon G.P.S, et ayant perdu le balisage, se transforme en un égarement non souhaité mais pas pour autant désagréable. La falaise vu d’en bas, avec ses strates marneuses et blanches, car calcaires, permet de se faire une meilleure idée de sa géologie. Elle ressemble bien sûr à toutes les falaises du secteur et notamment à celles que l’on trouve à Sainte-Lucie ou bien à la Franqui. Après ce petit entracte involontaire, je me ravise, remonte la falaise dans sa partie la plus accessible et retrouve le tracé balisé de jaune un peu plus haut. Ici, commence une toute autre balade, plus loin des salins et des étangs, mais où les pinèdes et les vignobles se partagent l’espace de manière alternée. Saint-Joseph et Saint-Michel sont les noms des lieux que je lis sur des panonceaux. Les saints semblent souverains sur cette petite péninsule de Port-Mahon car je découvre aussi un oratoire en bordure d’un mas. Malgré quelques mas, des murets en pierres sèches et un chemin qui se mue en un parcours sportif, les décors restent plutôt sauvages. Les passereaux continuent d’être présents mais presque essentiellement dès lors qu’il y a des clairières et des vignobles. Finalement, au lieu-dit Caussagues, un chemin dominant le Grand Salin descend vers le bien nommé Domaine de Bellevue. Il s’agit d’une grande bâtisse, mi-bastide provençale, mi-maison de maître aux volets clos et donc on peut raisonnablement penser qu’elle est en réalité une résidence essentiellement secondaire. Un peu par erreur mais voulant m’approcher pour la voir de plus près, j’emprunte un chemin qui file vers elle mais les très hauts buissons ardents qui font office de clôtures m’empêchent de la voir. Je fais demi-tour et poursuis la route passant devant la belle bâtisse puis l’itinéraire tourne à droite en direction du lieu-dit Les Cavettes. Un panonceau « retour village » valide l’itinéraire à emprunter.  Ce chemin rectiligne est le repaire de très nombreux petits groupes d’étourneaux qui apparemment attendent que le soir tombe pour se rassembler et partir vers la ville. On sent déjà chez eux une certaine effervescence dès lors que je tente de les photographier. Ils s’envolent, se lancent dans des arabesques aériennes avant de se reposer comme un seul homme dans le premier arbre venu. Ce secteur semble également propice aux bruants zizi et aux pouillots véloces. A partir des Cavettes, commence la partie la plus astreignante de cette « Boucle de Port-Mahon », astreignante car définitivement bitumée jusqu’à la ligne d’arrivée. Pour moi, si la longueur du bitume peut parfois être contraignante pour mes pieds, ici les décors bien variés, avec l’étang des Estagnols ou du Lagunage, le Pech de la Ginestelle, les vignobles de Chante-Perdrix et de Las Combetos, auxquels viennent s’ajouter les oiseaux qui fréquentent tout ces lieux, sont autant de moyens d’oublier les contraintes. A l’intersection du lieu-dit la Croix Blanche, une belle et ample vue de Sigean est synonyme d’arrivée toute proche. Par contre, les dates ; 17/08/1861-03/03/1878 ; inscrites au pied de cette croix gardent tout leur mystère. Dans cette approche finale de Sigean, une fois encore ce sont des oiseaux qui ont ma préférence. Ils se présentent sous la silhouette grise et soyeuse d’un nombre incalculable de tourterelles turques. Il y en a partout. Sur le sol mais aussi sur de très hauts cyprès, sur des grands pins ou bien encore sur des grands arbres effeuillés. C’est bien la toute première fois que j’envoie autant. C’est simple mais celles qui volent et veulent se poser sont parfois contraintes de redécoller au dernier instant par manque de places. Quelques photos des doux volatiles et me voilà déjà à l’entrée de Sigean au lieu-dit la « Clauze » où un panonceau indique la touche finale à suivre. Rue de Sérignan, rue de la Vieille Fontaine, Grand-rue puis le centre-ville est déjà là. Il est 16h30 et sur un panneau lumineux, Sigean me souhaite la bienvenue. Je retrouve ma voiture. En septembre 2014, j’avais réalisé le Sentier du Golfe Antique, sentier dont j’étais sorti ravi à cause des décors arpentés et des nombreux oiseaux que j’avais vu et parfois photographier mais un peu déçu par tout ce bitume que parfois par contrainte j’avais été obligé de cheminer. En 2018, l’histoire se répète avec cette « Boucle de Port-Mahon » où mes yeux ont vu énormément d’oiseaux mais mes pieds beaucoup trop de bitume. Malgré tout, cette balade donnée pour 13 km mérite d’être accomplie. Il y a sans doute des variantes moins asphaltées et celle qui m’a conduit à faire une entorse au milieu du Salin Grimaud en est déjà un exemple. Elle a rallongé d’un ou deux kilomètres l’itinéraire originel mais je ne l’ai pas regretté. Errements volontaires et égarements inclus, mon GPS a totalisé 16,2 km pour un dénivelé de 50 m maxi et des montées cumulées de 250 m. Le point culminant se situe au lieu-dit Caussagues juste avant d’arriver à Bellevue à 50 m d’altitude. Carte I.G.N 2546 OT Narbonne Top 25.

    (*) Le Sentier du Golfe Antique : les 25, 26 et 27 septembre 2014, j’ai réalisé ce tour pédestre qui s’intitule le Sentier du Golfe Antique (non encore disponible sur mon blog mais à paraître). Il s’agit d’un G.R.P (Grande Randonnées de Pays). Long de 75 km environ, j’ai démarré de Port-la-Nouvelle, direction Narbonne en suivant d’abord le canal de la Robine puis l’étang de Bages-Sigean le premier jour. Le deuxième jour, toujours en longeant une partie de cet étang, j’ai finalement atterri à Portel-des-Corbières après être passé à Bages puis à Peyriac. La dernière étape m’a amené de Portel à Port-la-Nouvelle en passant pas Sigean. Que dire de ce sentier ? D’abord qu’il m’a été très difficile de trouver un couchage pour seulement deux soirs sans être contraint d’aller jusqu’à Narbonne ou de payer excessivement cher et ce malgré que la saison estivale ne battait plus son plein. L’absence de couchage à un prix raisonnable voire bon marché m’a bien entendu contraint à changer mes plans quand à l’organisation que j’avais initialement envisagée, à modifier les étapes initialement prévues au nombre de 4 et de ce fait à rallonger les distances de marche. Si ces distances ne m’ont pas permis de flâner et d’observer la Nature, et notamment les oiseaux, comme je l’aurais voulu, ce Sentier du Golfe Antique, sans gros dénivelé, est pour autant facilement réalisable en 3 jours. Il faut noter que ce tour de l’étang de Bages-Sigean comporte pas mal de portions bitumées, portions que j’ai toujours essayé d’éviter dès lors que je le pouvais. Il est donc plus propice aux vététistes qu’aux randonneurs pédestres. Tout ça pour vous dire que si un topo-guide a existé dans son temps, épuisé et donc quasiment introuvable de nos jours (moi, je ne l’ai jamais trouvé !), il ne propose pas au prima abord d’effectuer ce tour tel que je l’ai effectué moi-même. Apparemment, il s’agit de 7 petits P.R distincts les uns des autres même si une liaison entre eux reste toujours envisageable. En résumé, l’organisation de ce Sentier du Golfe Antique a été plutôt compliquée, les portions d’asphalte y sont trop nombreuses à mon goût et ce d’autant que les alternatives existent, les explications quand à sa dénomination de « golfe » et d’ « antique » sont totalement et donc tristement absentes, quand au topo-guide, j’attends de voir ce qu’il propose au juste car depuis des années, j’entends dire, mais en vain,  qu’il va être réédité. Vous pouvez en trouver quelques explications sur les 3 sites suivants :

    http://www.parc-naturel-narbonnaise.fr/decouvrir/nature-et-patrimoine/activites-pleine-nature/randonnees/reseau-de-sentiers-golfe-antique

    http://www.auderando.fr/grp/grp-sentier-du-golfe-antique/

    http://www.ot-portlanouvelle.com/pages/19,36,25,88/le_sentier_du_golfe_antique.html

     

    (**) La toponymie de Port-Mahon : J’ai beaucoup cherché sur le Net d’où pouvait venir cette appellation de « Port-Mahon » et force est d’avouer que j’ai fait quasiment « choux blanc », même si j’ai beaucoup appris. Rappelons d’abord qu’il y a sur notre terre deux « Port-Mahon » et que celui de Sigean n’est pas le plus connu, loin s’en faut. Notons aussi qu’il s’agit essentiellement de toponymes traduits en français et que la notion de « port » disparaît dès lors que l’on évoque le plus connu d’entre-eux, c'est-à-dire cette commune espagnole située à Minorque, île de l’archipel des Baléares dont elle est la capitale et la ville la plus importante avec ses 29.000 habitants. Là, si la toponymie est donnée par le site encyclopédique Wikipédia, il faut noter que la notion de port disparaît dans la dénomination castillane qui est « Mahón », dans la catalane aussi avec «Maó » et pour ne pas qu’il y ait de jaloux, en espagnol elle s’appelle tout simplement «Maó-Mahón » depuis 2012.  Malgré ça, le site Wikipédia, allant sans doute dans le sens de quelques historiens, affirme que la ville tiendrait son nom de celui de Magon Barca, l'un des frères d'Hannibal, qui aurait fondée celle-ci (Portus Magonis)  en 206 av. J.C. Notons que cette thèse est réfutée par l’immense linguiste et toponymiste catalan Joan Coromines dans son ouvrage « Onomasticon Cataloniae »  qui écrit que cette hypothèse manque de base phonétique et historique, même s’il admet que l’histoire de Magon Barca est globalement bien connue et admise.  En effet, il trouve trop simpliste qu’avec le désir de trouver des toponymes plausibles, l’on rapproche trop facilement les noms romains voire grecs de personnages connus pour émettre des hypothèses. C’est ainsi que l’on a commis l’erreur de penser que Bàrcino, c'est-à-dire Barcelone aurait été fondée par Amílcar Barca, père d’Hannibal, Rome par Romulus, Olissipo, c'est-à-dire Lisbonne, par Ulysse ou Paris par Pâris. Juan Ramón Goitia Blanco, toponymiste basque amateur pense plus simplement que le mot « Mahon » aurait pour origine la racine « MA » signifiant « pierre calcaire », « O », ce qui est excellent et « NA » ce qui est plat. A partir de là, il pense que le mot « MAONA » aurait pour origine les falaises plates et calcaires que l’on aperçoit de Minorque quand on s’approche depuis un bateau.  Au fil des temps, le mot aurait perdu son « A » final donnant « MAON » puis sans doute « MAHON ». Il souligne que dans les anciennes mers tropicales, un calcaire du miocène est appelé « MAO » (il est vrai que l’on retrouve ce préfixe dans le mot « maori »). Enfin, il conclut en disant que son opinion est la plus plausible car le nom du lieu « MAO », "le grand mur de calcaire", a l’avantage de se présenter avec la grande probabilité d’une affirmation certaine car c'est ce qui est visible encore aujourd’hui alors que toutes les autres versions ne sont que des occurrences. Alors bien entendu, si je laisse Juan Ramón Goitia Blanco seul juge de ses opinions car bien évidemment tous les toponymes ne sont plus ou moins que des éventualités, il faut reconnaître que cette idée de « mur de calcaire » est loin d’être idiote puisqu’on trouve le même mur de calcaire ici au Port-Mahon de Sigean. Toutefois, il n’est pas interdit de penser que ce Port-Mahon serait un deuxième « Portus Magonis » que l’on devrait au cadet des Barcides. En effet, Hannibal et son frère Magon sont passés tout près de Sigean lors de leur campagne vers l’Italie en 218 av.J.C, puisque l’Histoire admet un passage entre le  col du Perthus et Narbonne lors de la 2eme guerre punique. Alors peut-on imaginer une toponymie identique à celle de la capitale minorquine ? Oui on peut l’imaginer, sauf qu’aucun élément concret ; texte historique ou vestige, ne vient étayer cette thèse. Henri Rouzaud, découvreur du site archéologique de l’Oppidum du Pech Maho en 1913, en conteste même l’idée dans son ouvrage de 1914 « Notes sur les ports antiques ». Voici ce qu’il écrit « Port Mahon lui-même m'apparaît comme une malencontreuse traduction française du roman « Port mau », qui doit avoir réellement existé jadis comme « Pech mau » (Pech Maho), éminence voisine, dont j'aurai à parler longuement un jour prochain. Un de nos savants, bien connu parmi nous et encore regretté, M. le président Cauvet, a cru que ce nom de « Pech mau » signifiait « puy mauvais », en souvenir des carnages de la bataille de la Berre (734), dont il a traité longuement dans sa substantielle Étude historique sur l'établissement des Espagnols dans la Septimanie (Montpellier 1898). Je croirais volontiers que cette désignation, aussi bien que celle de « Port mau » pourrait venir simplement du nom même de « Mahomet », qui a laissé des traces assez nombreuses dans la toponymie des cantons de la France du sud où passèrent les Sarrazins. « Mahumet » (prononcé Mahoumet), « Mahou » sous la graphie « Mau », par confusion ou assimilation à « mau » (= mauvais), peuvent très bien expliquer ces curieux noms de lieu, sur le point même de notre territoire où les mahométans furent réellement vaincus sur terre et sur eau »  Puis il rajoute : « Enfin, en admettant même que la graphie Port-Mahon fût la bonne, et il faudrait pour cela la trouver dans des actes du XVe ou du XVIe siècles, je croirais encore qu'on devrait y voir simplement une allusion ou une trace du commerce récent des gens de Mahon, qui venaient nous apporter leurs citrons et poncires, plutôt qu'un nom rappelant véritablement de vieilles incursions puniques ». Alors comme on le voit le mystère reste entier. Port-Mahon est-ce le « Portus Magonis » des Carthaginois ? Est-ce le port mauvais ? Est-ce le port à la falaise calcaire blanche et plate bien présente ici aussi ? Est-ce le port Mahomet ? Aurait-on donné le même nom à cause des Mahonnais de Minorque qui venaient y décharger leurs agrumes au Moyen-Âge ? Si on sait pertinemment ce qu’est un port, toutes ces éventualités-là restent possibles. On pourrait même en rajouter quelques autres quand on sait que le mot « Mahon » a bien d’autres interprétations selon les lieux et les dialectes. C’est ainsi que dans l’Oise, on lui donne ce nom pour désigner un coquelicot voire une fleur rouge, qu’en Normandie, il était un pot à beurre de forme cylindrique ou bien encore ailleurs un métal rouge comme le cuivre, qu’en botanique c’était aussi le nom de la Mélampyre des champs et que dès lors qu’on lui rajoute l’adverbe « par » il devient une injure. « Par Mahon ! » en évoquant Mahomet signifie « c’est grand pitié d’elle ! ». Il ne faut pas oublier qu’il est également un nom propre que l’on retrouve dans le monde entier tant comme nom de famille que prénom que comme nom de lieux. Enfin, et parce qu’après toutes ces vaines recherches, la moutarde me monte au nez, il se dit que la mayonnaise ou mahonnaise tirerait son nom de « Mahon » également. Voilà ce que l’on peut dire de Port-Mahon et de Mahon mais tout reste encore ouvert et permis.

     

     

     

     


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    Ce diaporama est agrémenté des chansons suivantes, chansons qu'Adèle aimait bien pour la plupart : - "Voulez-vous dansez grand-mère" ? paroles de Jean Lenoir, musique de Raymond Baltel et Alex Padou, chantée par Jean Lumière. - "Un petit cabanon" paroles de René Sarvil, musique de Vincent Scotto chantée Maria de Rossi. - "Plus bleu que tes yeux" composée par Charles Aznavour, chanté par Edith Piaf et Charles Aznavour. - "La vie en rose", musique de Louiguy et paroles d'Edith Piaf, joué et chanté par Louis Armstrong. -"Nous nous reverrons un jour ou l'autre" paroles de Jacques Plante, musique de Charles Aznavour, chantée par Thierry Le Luron.


     

    Avec ce récit, j’ai voulu rendre hommage à ma grand-mère paternelle. C’est donc une nouvelle tranche de ma vie que j’ai eue envie d’évoquer. Une période de surcroît très heureuse car elle a été le véritable lien entre mon enfance et ma jeunesse. Une tranche avec Adèle. Une tranche de mortadelle, si je veux rester dans la plaisanterie de mauvais goût qui m’animait à cette époque. Adèle, c’était son prénom et bien évidemment, quand je pense à elle,  ce jeu de mots un peu balourd revient à ma mémoire. Avec mon frère Daniel, nous le répétions à l’envie dès lors que ce prénom était cité dans une conversation : « Elle morte Adèle » et plus grands, nous avions fini par rajouter « tuée par un sale ami ». Ce mauvais jeu de mot avait le don de mettre en rogne mon père mais ma grand-mère, elle, le prenait toujours avec le sourire disant : « Laisse Louis, ce sont des enfants ! ».

     

    Pourtant dieu sait si nous l’aimions notre grand-mère et loin de nous l’idée qu’un jour elle puisse mourir. En tous cas, enfants et même, jeunes garçons, nous n’y pensions jamais. Non, c’était juste une plaisanterie de gamins.

     

    Aujourd’hui quand je pense à elle, quelques souvenirs joyeux bien précis remontent à la surface de ma mémoire. Le plus important de ses souvenirs, ce sont ces trois années scolaires que j’ai passées chez elle alors que j’étais en 3eme au collège de la Grande-Bastide à Mazargues puis en 2eme et 1ere au lycée Jean Perrin de Marseille. Ces trois années, je les compte parmi les plus belles années de ma jeunesse et pourquoi ne pas le dire de ma vie d’enfant tout court. Vie d’adolescent certes mais tranche de vie où j’ai pris conscience bien plus tard qu’elle avait forgée une grande partie de ma vie future, vie d’adulte celle-là. J’étais sorti de l’enfance chez Adèle. D’abord, parce que je profitais à fond de plus d’indépendance, de plus d’autonomie dans mes décisions, en un mot de plus de liberté. C’était le temps des flirts avec les copines, des sorties avec les copains, des booms, du rock’n roll qui commençait à déferler et surtout du foot qui accaparait une partie très importante de mon temps libre et parfois même du temps que j’aurais du consacrer aux études. Je l’ai regretté ensuite mais sans jamais renier toutes les joies que le foot m’avait offertes.  La vie chez ma grand-mère était bien plus drôle qu’à la maison. J’étais à la campagne. J’y avais ma chambre à moi, petit nid intime, tranquille et douillet sous les toits, indispensable quand on a 16, 17 ou 18 ans. Pour être franc, je ne me souviens plus très bien comment j’ai atterri chez ma grand-mère. J’étais très turbulent et mes parents ont-ils trouvé cette solution pour que la maison retrouve un peu de sérénité ? Il faut dire qu’à la maison, mon frère et moi, nous n’avions pas de chambre personnelle et nous partagions la salle à manger avec deux lits pliants que l’on dépliait le soir et repliait le matin. C’était un peu galère, surtout pour mon frère qui avait 3 ans de plus que moi et qui aspirait probablement à une plus grande tranquillité dans ses études et à une plus grande indépendance et émancipation dans sa vie d’adulte qui commençait. Le collège de la Grande-Bastide à Mazargues était également bien plus proche de chez ma grand-mère que de chez mes parents et les économies n’étaient sans doute pas négligeables, notamment celles réalisées sur l’essence de mon VéloSolex. Mes parents ne roulaient pas sur l’or et l’argent était souvent un sujet de querelles entre eux. Mon père était comptable et ma mère faisait des ménages. L’essence du Solex était censée ne servir qu’à aller au collège mais ma mère était lucide et elle savait que pour moi il était le meilleur moyen pour que je m’évade un peu plus loin que le bout du quartier. Mes parents avaient-ils pris conscience qu’un peu plus d’autonomie me ferait le plus grand bien ? En m’envoyant loger chez sa mère qui avait déjà plus de 70 ans et qui était seule depuis quelques années, mon père voulait-il me montrer la confiance qu’il mettait en moi ? Et de ce fait, être plus tranquille car ma grand-mère était un peu diabétique ? Je ne peux répondre à aucune de ces questions car à l’époque, à vrai dire, j’étais bien trop insouciant pour me les poser. Enfin je me suis retrouvé là et j’étais heureux de cette situation. Être chez ma grand-mère m’apportait de nombreux avantages mais ne m’empêchait nullement d’aller voir mes parents à la Vieille-Chapelle le soir ou le week-end. Le quartier était à un quart d’heure en Solex. Ce que j’aimais chez ma grand-mère, c’était, sous son air faussement strict et sans doute un peu timide, son côté boute-en-train. Ma grand-mère était une vraie pince-sans-rire et je n’ai jamais connue une personne âgée aussi marrante qu’elle. Elle connaissait quantité de blagues grivoises et parfois même un peu cochonnes que je m’efforçais de retenir tant elles me faisaient tordre de rire. Pendant très longtemps, grâce aux blagues d’Adèle et à quelques autres plus personnelles, j’ai eu cette étiquette de « blagueur de service » lors des repas familiaux. Au fil du temps, j’ai perdu le souvenir de la plupart d’entres-elles même si parfois certaines reviennent à ma mémoire avec beaucoup d’allégresse car elles me rappellent les très bons moments passés chez elle. Outre, ce côté « rigolo » que j’adorais, ma grand-mère avait une autre qualité essentielle à mes yeux : elle était excellente cuisinière. Elle me mijotait presque tous les soirs de bons petits plats dont elle seule, et ma mère qu’elle avait initiée avaient le secret et surtout le tour de main : ragoûts, sautés divers et variés, daubes, légumes farcis, alouettes sans tête, pâtes en sauce, raviolis et cannellonis maison c’était mon lot quotidien et surtout quel régal en comparaison du midi et de la cantine du collège ou du lycée. C’est bien simple, quand j’y pense encore aujourd’hui, je revoie cette grosse cuisinière à charbon sur laquelle mijotaient tous ces bons mets qu’elle me préparait rien que pour moi. Je revois ma grand-mère sortir du four tous ces gratinés croustillants et fumants et il me revient dans les narines, ce fumé d’où s’exhalent des odeurs de sauces, de tomates grillées, de thym et d’herbes de Provence. Quelques années auparavant, en 1962, mon grand-père Gabriel nous avait quitté et je suis convaincu que ma présence la rendait heureuse car ça lui permettait de ne pas être trop seule, même si je partais le matin et ne rentrais que le soir après l’école et parfois bien plus tard quand les entraînements du foot m’accaparaient. Les petits plats qu’elle me concoctait, lui rappelaient sans doute une petite fraction du bon temps passé avec mon grand-père paternel. Outre ces évocations-là, quand je me remémore ces trois années scolaires passées chez elle, d’autres aspects bien précis me traversent l’esprit. Il y avait bien sûr Kiki, le chien tout fou de la maison que j’adorais à cause de ses fantaisies toujours imprévisibles. Il avait succédé à un autre chien encore plus dingue que lui et qui s’appelait Mickey. Mickey était le frère de Bambi, ce chien dont mes parents s‘étaient séparés et que j’ai eu l’occasion d’évoquer dans le récit intitulé « le petit chien de porcelaine ». Chez les Jullien, il y a toujours eu des chiens et des oiseaux en cage aussi. Ma grand-mère avait une cage où s’égayait un beau chardonneret au milieu de quelques flamboyants canaris. Ce chardonneret avait une belle particularité. Il suffisait que l’on soulève légèrement la porte de la cage et il passait dessous et sortait. Il ne s’enfuyait pas et quand il estimait que le moment était venu de réintégrer son gîte, il le faisait tout seul. Le reste du temps, il voletait gentiment au milieu de nous, venant se poser sur nos épaules pour quémander une offrande. Le soir, quand je rentrais du collège et que je ne trouvais pas ma grand-mère chez elle, c’est parce qu’elle était partie chez Madame Michel, sa voisine. Moi, cette gentille et vieille dame, je l’appelais la « mère Michel », car bien évidemment elle avait un chat, mais surtout elle avait un perroquet qui était presque capable de vous tenir une conversation. Dieu sait si j’en ai eu des fous rires grâce à ce perroquet de Madame Michel ! Chez ma grand-mère, je retrouvais aussi les frères Errico qui étaient des voisins italiens à peine plus âgés que moi. On s’entendait super bien. Ils étaient excellents bricoleurs mais également très sportifs. Mon vélo et mon Solex profitaient de leur compétence en mécanique et moi, de leur esprit de compétition. Eux étaient coureurs cyclistes et moi c’était surtout le foot. Entre-nous, c’était constamment des échanges de bons procédés. On se lançait en permanence des défis soit à vélo où l’impasse servait de piste de sprint soit au foot où la placette terminale faisait office de terrain. Je les battais au foot mais ils me gagnaient toujours à plate couture sur un vélo. Malgré ça, j’ai toujours aimé les vélos. Le vélo me rappelait mon enfance quand avec mon frère Daniel nous jouions au Tour de France avec des petites figurines. Le plus âgé des frères Errico était un sprinter hors pair gagnant de nombreuses courses amateurs grâce à la puissance de ses cuisses, quand au plus jeune, lui gagnait aussi mais son point fort c’était surtout l’endurance et les longues échappées en solitaire. Pour eux, la campagne marseillaise était essentiellement synonyme de chasse et souvent, je les retrouvais le soir à faire le guet, dans un poste qu’ils avaient construit avec des planches, lesquelles étaient camouflées de branchages. C’est au cours d’une de ces parties de chasse où ils avaient tiré un héron cendré ; allez savoir pourquoi ? ; que l’oiseau blessé, dont on voulait mesurer l’envergure, me planta un grand coup de son bec puissant entre les deux yeux. De cette ânerie et de cette absurdité d’adolescents, j’en garde encore la cicatrice même si j’ai toujours eu conscience de l’immense chance que j’avais eu ce jour-là. A quelques centimètres près, j’aurais pu devenir borgne pour le restant de mes jours. Le héron, dont la blessure n’était que superficielle, je l’ai relâché moi-même quelques jours plus tard. Je l’ai vu partir vers d’autres horizons bien plus cléments que la campagne mazarguaise (de Mazargues, quartier sud de Marseille) où il avait eu le malheur de passer. J'étais heureux qu’il s’en soit sorti et moi avec lui. Quand je pense à ma grand-mère, je pense également à sa maison et à quelques objets que j’ai toujours vus. Un petit crucifix qu’elle avait accroché au dessus de son lit, lit qu’enfant j’ai toujours eu des difficultés à gravir tant il me paraissait haut. Etait-il vraiment haut ? Etais-ce moi qui étais trop petit ou bien était-ce cet énorme édredon qu’il y avait en permanence qui me donnait cette étrange impression de hauteur ? Quand j’ai commencé à loger chez elle, je prenais tant de plaisir à plonger sur cet épais édredon que finalement elle m’en avait confectionné un avec du vrai duvet d’Eider, pour moi tout seul et pour mon propre lit qui n’avait qu’une place. Le logement et ma chambre en particulier n’étaient sans doute pas très bien isolés et je me souviens encore des hivers très rigoureux où je glissais ce gros duvet carrément sous les draps. Entre mes jambes et sous mes pieds, il y avait des briques que ma grand-mère avait pris soin de faire chauffer sur la cuisinière à charbon. Pour ne pas que je me brûle, elle les enroulais dans une serviette ou dans une grosse chaussette en laine ayant sans doute appartenu à mon grand-père. Je me revois encore me blottir dans ce lit douillet et quand le mistral soufflait très fort dehors, j’avais ce sentiment très agréable de m’endormir dans une étuve.  Concernant le crucifix, j’ai compris bien plus tard pourquoi il était là car Adèle ne m’a jamais parlé de religion. Le Christ était là, elle n’en faisait pas un plat et ça devait suffire à son bonheur de catholique non pratiquante. Chez mes parents et grands-parents, les religions n’ont jamais été un sujet à l’ordre du jour. Ce n'était pas tabou car on savait que des religions étaient là et nous étions chrétiens nous-mêmes mais ça n’allait jamais plus loin. Plus tard, dans les papiers de ma mère, j’ai retrouvé un vieux certificat de 1ere communion d’Adèle. Il mentionnait qu’elle avait été baptisée le 7 octobre 1893 et je me suis souvenu du crucifix au dessus de son lit. Je me souviens aussi de cette grosse cloche en verre qui trônait sur sa commode. Je n’ai jamais osé la toucher car elle me donnait l’impression d’une extrême fragilité même si j’ai toujours été curieux de son contenu. A l’intérieur, il y avait des statuettes dorées. Accrochés aux statuettes, il y avait une fourragère et des médailles militaires. Au pied des statuettes, quelques insignes que mon grand-père avait ramenées de la guerre de 14-18, guerre au cours de laquelle, il était revenu blessé et sans doute autant meurtri intérieurement par ce qu’il avait vu que physiquement par ses blessures. Autant que je me souvienne, mon grand-père et ma grand-mère n’ont jamais évoqué les guerres, en tous cas devant nous leurs petits-enfants. Une seule fois, j’ai posé des questions à ma grand-mère à ce propos, car la guerre de 14/18 était au programme du lycée, et elle m’a répondu sans trop s’appesantir avec des mots très simples où  « plus jamais ça, horreur, souffrance, drame, tragédie et chance » revenaient comme des rengaines. Oui, dans sa bouche, j’ai compris ce jour-là, la véritable signification du mot « chance ». Il n’y a jamais eu de seconde fois. Quand une guerre implique 60 millions de soldats et que plus de 10 millions de personnes y perdent la vie, on peut effectivement s’estimer chanceux d’en avoir réchappé. Mon grand-père faisait partie de ceux-là. Par deux fois, il était revenu blessé, meurtri dans sa chair mais vivant et enfin, ma grand-mère et lui avaient pu s’aimer normalement.  Les médailles de mon grand-père, je suis fier de les avoir chez moi aujourd’hui mais pour une seule raison : je sais le prix qu’elles ont coûté et suis conscient que nombreux sont ceux qui n’ont pas eu la chance de les gagner de leur vivant voire du tout. Enfin, le dernier objet dont je me souviens avec le plus de mélancolie, c’est cette petite bibliothèque en bois qui était accrochée dans ma mansarde. C’est mon frère Daniel qui l’avait faite de ses propres mains lors d’un cours de menuiserie au lycée technique de Marseilleveyre. Il me l’avait offerte de bon cœur puis elle est restée longtemps chez ma mère jusqu’à ce que je la récupère pour la mettre dans ma petite maison d’Urbanya. Elle est là-bas maintenant. D’aspect plutôt moderne, je ne m’en séparerais pour rien au monde, car avec le « petit chien de porcelaine », elle reste un des rares objets qui me reste de mon enfance. Au même titre que les photos, ces objets sont des fils d’Ariane qui me relient à mon frère, à mes parents et à mes grands-parents bien sûr. Ils font partie de ma vie.

     

    Quand m’est venue cette idée de rendre hommage à Adèle, j’ai voulu, comme pour mon grand-père (Mon grand-père Gabriel Jullien ce héros...), réaliser un petit diaporama des photos que j’avais d’elle. Et là, petit tourment, car j’ai constaté que sur les photos que je détenais d’elle, rares étaient celles où elle souriait. Quelques photos avec un semblant de rictus et une ou deux seulement où on la voit vraiment rire ou s’esclaffer. Sur toutes les autres, pas le moindre début d’une risette. Non Adèle est toujours restée hermétique à toutes les photos que l’on avait pu prendre d’elle, loin de l’image toujours plaisante que j’avais eue. Alors, je me suis dit tant pis, c’était ma grand-mère et un jour où il y aura un diaporama retraçant sa vie. Adèle était ainsi : « rigolote » dans la vie mais fermée à toute image que l’on voulait avoir d’elle. « Être oui, paraître  non », tel devait être son dicton. Heureusement qu’elle ne vit plus aujourd’hui, car sans doute aurait-elle eu horreur de toutes ces photos numériques et autres « selfies » que l’on prend pour un oui ou pour un non ? Je n’ai jamais su pourquoi elle avait eu cette espèce d’appréhension du cliché, mais j’imagine que l’avènement et le début de la démocratisation de la photographie au début des années 1900 a coïncidé avec le départ de mon grand-père d’abord sous les drapeaux puis à la guerre de 14/18. Elle devait être triste de le voir seulement en photos. La photo était donc synonyme d’absence, d’angoisse, de mauvaises nouvelles, d’abominables souvenirs et c’est ce qui transpire un peu de chacune de ses photos les plus anciennes : beaucoup de mélancolie. Rajoutons à tout ça, le fait qu’elle avait des origines alsaciennes, et donc germaniques, qu’elle tenait de sa mère et il est évident que la guerre contre les Allemands l’avait très certainement bouleversée.

     

     

    Adèle a définitivement quitté ce monde le 10 mai 1980. Etant née le 26 avril 1893, elle avait 87 ans. Alors que j'habitais déjà les Pyrénées-Orientales, mes parents ne m’ont jamais averti de son départ plutôt soudain alors qu’elle venait d’être admise depuis une année dans une maison de retraite. J’avais pourtant 31 ans et sur l’instant, je leur en ai voulu. Sans doute, ont-ils voulu me protéger de sa mort ? A bien y réfléchir mes parents nous ont toujours protégés de la mort de proches.  La mort d’Adèle ? Je ne l’ai su que plusieurs jours après son enterrement. Je n’ai pas pleuré sur l’instant, malgré la peine que j’avais, et j’ignore pourquoi ? Je n’ai pleuré que bien plus tard. Je m’étais souvenu d’une blague qu’elle m’avait racontée et alors je m’étais mis à rire à cause de la blague, j’ai terminé en pleurs, revoyant tous les bons moments que j’avais passés avec elle quand j’étais plus jeune. Un autre jour, jour de grande solitude et jour de grand cafard comme nous en avons tous, j’ai également pensé à elle en pleurant. C’était en randonnée lors d’un Tour du Vallespir en 2009, et comme souvent quand je marche avec le cafard, je pense à tous les êtres qui me sont chers aujourd’hui disparus. Souvent, j’aurais bien envie qu’ils soient là à côté de moi. Ce jour-là,  c'était la dernière des 6 étapes et j'avais sans doute emmagasiné pas mal de fatigue, mon frère disparu en 1992 à l’âge de 46  ans et ma mère malade d’Alzheimer, ont été les épicentres de ma tristesse et de mes angoisses mais à tour de rôle, Adèle et quelques autres défunts ont fait partie de ce lot d’êtres chers. Ma marche pédestre est devenue pendant une paire d’heures une marche funèbre. J’avais pris conscience qu’elle était morte Adèle…. et il n’y avait pas sujet à plaisanter avec ça….Mon père, qui n’aimait pas cette plaisanterie mais chérissait sa mère, l’a suivi quelques mois plus tard, en novembre 1980 exactement. Il avait 64 ans. Elle était morte Adèle et il ne l’avait pas supporté….et c’est le premier enterrement de ma vie auquel j’ai assisté…..


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